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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/391

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Quitter Londres en ce moment me gêne bien un peu, mais je ferais bien d’autres sacrifices pour vous. Oui, je partirai demain matin pour Rood-Hall, et j’irai de là à Hazeldean. Votre père, j’en suis sûr, me pressera de rester, et j’aurai ainsi l’occasion de juger de la façon dont il envisagerait votre mariage avec Mme di Negra, en supposant toujours que la chose lui fût convenablement présentée. Nous agirons après en conséquence.

— Mon cher Randal, je ne sais comment vous remercier ! Si jamais un pauvre diable comme moi pouvait vous être de quelque utilité… mais c’est impossible.

— Il est certain que je ne vous demanderai jamais de répondre d’un billet de ma façon, dit Randal en riant, je pratique l’économie que je prêche.

— Ah ! dit Frank avec un gémissement, cela tient à ce que vous avez un esprit cultivé qui vous offre beaucoup de ressources, tandis que toutes mes fautes viennent de l’oisiveté. Si j’avais eu quelque chose à faire les jours de pluie, j’aurais évité bien des sottises.

— Oh ! vous aurez quelque jour assez à faire de surveiller vos propriétés. Nous autres qui n’avons pas de propriétés, il faut que la science nous en serve. Adieu, mon cher Frank, il est temps que je rentre. À propos, n’avez-vous jamais, par hasard, parlé des Riccabocca à Mme di Negra ?

— Des Riccabocca ? non ; mais c’est une bonne idée. Je serai bien aise de lui dire qu’une de nos parentes a épousé un de ses compatriotes ; c’est singulier que je n’aie pas encore pensé à cela. À dire vrai, je lui parle bien peu ; elle est si supérieure, qu’auprès d’elle je suis tout intimidé.

— Faites-moi le plaisir, Frank, dit Randal attendant patiemment la fin de cette réponse, car il cherchait pendant ce temps une raison qui pût motiver sa requête, faites-moi le plaisir de ne jamais parler des Riccabocca, ni à elle, ni à son frère, auquel elle vous présentera sans doute.

— Pourquoi cela ? »

Randal hésita ; l’invention lui faisait défaut, et, par exception, il s’avisa que le mieux était de dire à peu près la vérité.

« La marquise ne cache rien à son frère, et il est du petit nombre des Italiens qui sont en faveur à la cour d’Autriche.

— Eh bien ?

— Et je suppose que le pauvre Riccabocca a dû quitter son paya à la suite de quelque folle tentative de révolution, et qu’il craint d’être découvert par la police autrichienne.

— Mais ici elle ne peut rien contre lui, dit Frank avec la conviction innée qu’a tout Anglais que le sol de sa patrie est sacré. Je voudrais bien voir qu’un Autrichien prétendît nous dicter qui il faut recevoir et qui il faut renvoyer !

— Sans doute, ceci est vrai et constitutionnel, mais Riccabocca peut avoir d’excellentes raisons (et pour parler clair je sais qu’il en a)