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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/399

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pour vous autres Anglais, mais je ne vous demande pas les nouvelles. Aucune nouvelle ne peut nous intéresser, nous.

Randal (doucement). Peut-être que si.

Riccabocca (surpris). Comment cela ?

Violante. Il veut sans doute parler de l’Italie, et les nouvelles de notre pays vous touchent certainement, mon père.

Riccabocca. Ce qui me touche, c’est le climat de ce comté. Ses vents d’est déracineraient une pyramide ! Ramène ton châle sur tes épaules et rentre bien vite, ma fille, car l’air est subitement devenu froid. »

Violante sourit à son père, jeta un regard d’inquiétude sur le front soucieux de Randal, et se dirigea lentement du côté de la maison.

Riccabocca, après avoir gardé quelques moments le silence, comme s’il s’attendait à ce que Randal parlât, dit avec une insouciance affectée :

« Ainsi donc, vous croyez connaître des nouvelles qui m’intéressent ? Corpo di Bacco ! Je serais curieux de savoir ce que c’est ?

— Je puis me tromper ; cela dépend de votre réponse à cette question. Connaissez-vous le comte de Peschiera ? »

Riccabocca tressaillit et pâlit ; son émotion n’échappa pas à l’œil observateur de celui qui l’interrogeait.

« Cela suffit, dit Randal ; je vois que je ne m’étais pas trompé. Croyez-moi, je ne parle que dans le but de vous avertir et de vous être utile. Le comte cherche à découvrir la retraite d’un homme qui est son compatriote et son parent.

— Dans quel but ? » dit Riccabocca jeté hors de ses gardes ; il releva la tête et sa poitrine se dilata ; ses yeux lancèrent des éclairs ; la haine et la colère l’emportèrent sur sa prudence et son sang-froid habituels. « Mais bast ! ajouta-t-il s’efforçant de reprendre sa manière calme et à demi ironique ; peu m’importe. Je conviens, monsieur, que je connais le comte de Peschiera ; mais que peut avoir de commun le docteur Riccabocca avec le parent d’un si grand personnage ?

— Le docteur Riccabocca, rien. Mais… » ici Randal se rapprocha de l’Italien et lui dit quelques mots à l’oreille. Puis, reculant d’un pas, et mettant la main sur l’épaule de l’exilé, il ajouta : « Ai-je besoin de vous dire que votre secret est en sûreté avec moi ? »

Riccabocca ne répondit pas. Les yeux fixés sur la terre, il paraissait réfléchir.

Randal continua : « Et je regarderai comme un honneur que vous vouliez bien me permettre de vous aider à prévenir le danger.

Riccabocca (lentement). Je vous remercie, monsieur. Mon secret vous est connu, et je le crois en sûreté, car je parle à un gentleman anglais. Je puis avoir des raisons de famille pour éviter le comte de Peschiera et en général, d’ailleurs, « celui qui veut éviter les écueils doit naviguer loin des siens. »

Le pauvre Italien retrouva son sourire caustique en prononçant cette vilaine maxime italienne.