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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/404

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— Il vous faut donc une Anglaise ?

— Bien entendu.

— De l’argent ?

— Je n’y tiens pas, pourvu que la jeune fille soit rangée, laborieuse, raisonnable, et qu’elle apporte en dot une bonne réputation.

— Ah ! une bonne réputation, cela serait indispensable ?

— Parbleu ! Une mistress Hazeldean d’Hazeldean. Mais tu m’épouvantes. Il ne va pas, j’espère, enlever une femme divorcée ou une… »

Le squire s’arrêta ; sa face était pourpre, et Randal eut peur de le voir succomber à une apoplexie avant que les crimes de Frank eussent fait changer son testament.

Il se hâta donc, pour calmer M. Hazeldean, de l’assurer qu’il n’avait parlé qu’au hasard ; que Frank voyait, il est vrai, assez fréquemment des étrangères comme tous ceux qui à Londres allaient beaucoup dans le monde, mais que lui, Randal, était certain que Frank ne se marierait jamais sans le consentement et l’approbation de ses parents, et il promit de nouveau au squire de le prévenir à temps, si jamais cela devenait nécessaire. Néanmoins il laissa M. Hazeldean si agité et si inquiet que celui-ci, oubliant complètement et la ferme et les courtes-cornes, se dirigea d’un autre côté et rentra dans le parc par l’extrémité opposée. Lorsqu’ils approchèrent de la maison, le squire pressa le pas et alla s’enfermer avec sa femme, en grande consultation conjugale, tandis que Randal, assis sur la terrasse, réfléchissait au mal qu’il venait de faire et à ses chances de succès.

Quelqu’un s’approchant de lui avec précaution, lui dit à voix basse en mauvais anglais :

« Monsieur, monsieur, permettez moi de vous parler. »

Randal surpris, se retourna et aperçut un visage long et hâlé, aux traits prononcés et entouré de cheveux gris. Il reconnut l’homme qui, le matin, avait rejoint Riccabocca dans le jardin,

« Parlez-vous italien ? » dit Giacomo.

Randal, qui s’était rendu excellent linguiste, fit un signe d’affirmation, et Giacomo enchanté le pria de le suivre dans un endroit plus solitaire du parc.

Randal y consentit et tous deux gagnèrent l’ombrage d’une majestueuse avenue de marronniers.

« Monsieur, dit alors Giacomo, parlant dans sa langue naturelle avec une sorte d’éloquence simple ; je ne suis qu’un pauvre homme ; je m’appelle Giacomo. Vous avez peut-être entendu parler de moi. Je ne suis qu’on simple domestique, le serviteur du signor que vous avez vu ce matin ; mais il m’honore de sa confiance. Nous avons couru bien des dangers ensemble, et de tous ses amis et serviteurs, je suis le seul qui l’ait suivi sur la terre étrangère.

— Brave homme ! s’écria Randal en examinant la figure de Giacomo, Continuez, puisque votre maître se confie à vous ; il vous a sans doute communiqué ce que je lui ai dit aujourd’hui ?

— Oui… Ah monsieur ! le padrone est trop fier pour vous de-