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— Doctrines du jour ! s’écria le curé presque avec indignation ; car il professait un souverain mépris pour les nouveautés. Ces doctrines-là sont aussi vieilles que le christianisme ; que dis-je ! aussi vieilles que le paradis, qui, je vous le ferai remarquer, vient d’un mot grec ou plutôt d’un mot persan, et signifie quelque chose de plus que jardin. Cela correspond, continua le curé, non sans un certain pédantisme, au mot latin vivarium, c’est-à-dire bocage, ou parc rempli d’innocentes créatures. Et, soyez-en sûr, les ânes avaient la permission d’y manger des chardons.

— C’est très-possible, dit le squire sèchement, mais Hazeldean, tout charmant qu’il soit, n’est pas le paradis : les ceps seront réparés demain ; oui ; et la fourrière aussi. Et le premier âne qu’on rencontrera y sera mis, aussi vrai que mon nom est Hazeldean.

— Eh bien ! dit le curé gravement, je souhaite que la paroisse voisine ne suive pas votre exemple et que nous ne soyons pris ni l’un ni l’autre en flagrant délit de vagabondage. »


CHAPITRE II.

Le curé Dale et le squire Hazeldean se séparèrent : celui-ci pour inspecter ses troupeaux ; celui-là pour visiter quelques-uns de ses paroissiens, y compris Lenny Fairfield, que le baudet avait frustré de sa pomme.

Lenny Fairfield ne devait pas être loin, car sa mère louait quelques acres de prairie au squire, et l’on était alors au temps de la fenaison. Léonard, communément appelé Lenny, était fils unique d’une mère veuve. L’habitation de celle-ci était quelque peu isolée et située dans un des nombreux enfoncements de la longue rue du village : c’était un cottage anglais dans toute l’acception du terme. Il datait au moins de trois siècles ; les murs étaient faits de moellons encadrés par des charpentes de chêne et bien blanchis chaque été ; le toit était de chaume, de petits carreaux y laissaient pénétrer le jour, et la vieille porte était élevée de deux marches au-dessus du sol. Autour de cette petite habitation se remarquait cette rustique et simple élégance que permet la campagne : un chèvre-feuille grimpait au-dessus de la porte ; quelques pots de fleurs étaient placés sur le rebord des fenêtres ; le petit parterre, en face de la maison, était entretenu avec le plus grand soin, et même avec goût. De grosses pierres de chaque côté du petit chemin avaient été disposées en forme de rocher et garnies de plantes grimpantes, alors en fleurs. Le champ de pommes de terre était caché aux regards par une haie de pois de senteur et de lupins ; tout cela, il est vrai, n’était qu’une élégance bien simple : mais que cette élégance en dit long sur le paysan et le