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garçon ? lui dit Frank, de l’air d’un homme qui demande ce qu’il sait.

— Nenni : il y a bien de la misère ici en hiver ; en été tout de même et la paroisse ne peut pas faire beaucoup pour un homme qui n’a ni femme ni enfants.

— Mais les fermiers doivent avoir besoin de bras ici tout comme ailleurs ?

— C’est vrai ; mais y n’y a pas beaucoup de quoi travailler pour les fermiers ici : presque toutes les terres sont en friche.

— Les pauvres ont un droit de pacage, je suppose ? dit Frank, en examinant avec soin des troupeaux errants de volailles et de quadrupèdes.

— Oui, le voisin Timmins mène ses oies sur le terrain de la commune, un autre y a une vache ; vous voyez là les cochons du voisin Jowla. Je ne sais pas si c’est un droit tout d’même ; en tout cas, les gens du château font tout ce qu’ils peuvent pour nous aider, quoique ce ne soit pas beaucoup ; ils ne sont guère riches eux-mêmes, mais, ajouta le paysan avec fierté, il n’y a pas dans tout le comté de sang qui vaille celui-là.

— Je suis heureux de voir que malgré tout, vous les aimez.

— Oui, je les aime assez ; sans doute que vous êtes à l’école avec le jeune monsieur de la maison ?

— Oui, dit Frank.

— Ah ! j’ai bien souvent entendu dire à monsieur le curé que M. Randal fils, était un bon sujet et qu’il deviendrait riche. Ce qui y a de sûr, c’est que j’en serai bien aise ; car avec un squire pauvre, la paroisse est misérable.

« Voici le château, monsieur. »


CHAPITRE II.

Frank regarda devant lui et aperçut une maison carrée, remontant évidemment, malgré ses fenêtres à la moderne, à une date assez ancienne ; recouverte d’un toit qui s’élevait en cône, elle était surmontée de hautes et bizarres cheminées en terre rouge, dans le genre de celles de Sulton, dans le comté de Surrey, et ces cheminées dominaient les misérables tuyaux isolés qu’a consacrés la mode actuelle. Sous un porche à la Tudor, entouré d’ornements gothiques en ruines, se voyait une porte qui devait dater du règne somptueux de Georges III. La couleur noirâtre, l’air de vétusté des petites briques finement travaillées qui avaient servi à la construction de la maison, tout indiquait l’habitation de générations antérieures appropriée avec une ignorance profane aux habitudes de descendants,