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regarda de ses beaux yeux bleus, qui étincelaient sons les boucles épaisses de superbes cheveux châtains.

Léonard Fairfield était en vérité un fort beau garçon ; s’il n’avait ni cette extrême vigueur, ni ce teint coloré qui forment l’idéal de la beauté rustique, il n’avait pas non plus les membres aussi délicats, la physionomie aussi fine que les enfants des villes, chez lesquels on cultive l’esprit aux dépens du corps ; et cependant, ses joues brillaient de la santé que donne la campagne, tandis que sa figure mignonne et ses mouvements agiles ne manquaient pas de la grâce des villes. Sa physionomie empruntait à son caractère particulier d’innocence et de simplicité quelque chose d’intéressant. On pouvait deviner qu’il avait été élevé par une femme, loin du contact familier des autres enfants ; son intelligence, au lieu de s’être développée au milieu des plaisanteries et des coups de poings des enfants de son âge, semblait avoir été nourrie des leçons de ses aînés dans la vie.

Le curé. Approchez, Lenny. Vous savez, je le vois, le profit qu’on peut tirer de l’école : devenir le soutien de votre mère est ce que vous pouvez y apprendre de mieux.

Lenny (baissant timidement les yeux et rougissant). Monsieur, cela viendra un de ces jours.

Le curé. À la bonne heure, Lenny ! Voyons, vous ne tarderez pas à être un homme. Quel âge avez-vous ?

Lenny lève vers sa mère un œil interrogateur.

Le curé. Vous devez le savoir, Lenny. Répondez vous-même. Laissez-le dire, mistress Fairfield.

Lenny (tournant dans ses mains son chapeau d’un air embarrassé). Eh bien ! voilà Flop, le vieux chien de notre voisin Dutton. Il se fait très-vieux maintenant.

Le curé. Je ne vous demande pas l’âge de Flop, mais le vôtre.

Lenny. C’est que, monsieur, j’ai entendu dire que Flop et moi, nous étions tous les deux tout petits à la même époque. C’est-à-dire que je… je… j’ai un peu plus de quinze ans.

Et Lenny releva fièrement la tête.

« Vous aimez beaucoup Flop, je suppose ?

— Oh ! certainement ! dit la veuve, Flop comme toutes les autres bêtes.

— Très-bien. Je suppose, mon garçon, que vous avez une belle pomme et que vous rencontrez un ami qui en ait plus besoin que vous, qu’en feriez-vous ?

— Ne vous déplaise, monsieur, je lui en donnerais la moitié. »

La figure du prêtre s’allongea. « Vous ne lui donneriez pas tout, Lenny ? »

Lenny réfléchit. « Un ami, monsieur, ne serait pas content si je lui donnais tout.

— En vérité, maître Léonard, vous parlez si bien qu’il faut que je vous dise, moi, toute la vérité. Je vous apportais une pomme pour vous récompenser de votre bonne conduite à l’école, mais je rencontrai