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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/105

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— Vous pensez comme nous, Harley ? demanda Egerton avec une irrésolution qui étonna ceux qui en étaient témoins.

— Je pense, dit Harley avec une compassion presque trop généreuse pour Randal, et cependant en termes équivoques, je pense que quiconque a servi Audley Egerton n’a jamais eu à le regretter, et que si M. Leslie est l’auteur de ce pamphlet, il a réellement bien servi Audley Egerton. Si donc il en supporte la pénalité, nous pouvons nous en rapporter à M. Egerton pour la compensation.

— J’ai depuis longtemps reçu ma compensation, dit Randal avec grâce ; voir M. Egerton s’occuper ainsi de mon sort en un pareil moment, c’est là une pensée dont je suis trop fier pour…

— Assez, Leslie, assez ! interrompit Egerton se levant et serrant la main à son protégé. Revenez me voir avant de vous coucher. »

Puis les deux ministres se levèrent aussi, et donnèrent à Leslie des poignées de main, approuvèrent le parti qu’il venait de prendre, et lui exprimèrent l’espoir de le voir entrer au Parlement ; ils lui donnèrent à entendre en souriant que le prochain ministère ne promettait pas de vivre bien longtemps ; l’un d’eux l’invita à dîner, et l’autre à passer quelques jours chez lui, à la campagne. Ainsi comblé de félicitations sur l’acte qui le laissait sans ressource, le pamphlétaire distingué sortit en maudissant intérieurement John Burley.


CHAPITRE XXXI.

Il était plus de minuit lorsque Egerton fit appeler Randal. L’homme d’État était seul alors, assis devant son grand bureau à compartiments, occupé à trier des lettres et des papiers, mettant les uns au panier, d’autres dans le feu, d’autres enfin dans deux grands coffres de fer ouverts devant lui.

En entendant entrer Randal, Audley leva la tête, lui fit signe de prendre un siège, continua pendant quelques moments le triage de ses papiers, puis s’arrachant comme avec effort à cette occupation, il dit d’un ton calme et déterminé :

« Je ne sais, Randal, si vous m’avez cru lorsque je vous ai dit de ne jamais attendre de moi autre chose que cet avancement dans votre carrière que ma position me permettait de vous procurer — de ne jamais attendre de ma libéralité, soit pendant ma vie, soit après ma mort, aucune augmentation de votre fortune personnelle. Votre geste me dit assez quelle serait votre réponse, et je vous en remercie. Je vous dis aujourd’hui en confidence, ce qui bientôt sera généralement connu, c’est que dans mon dévouement à la chose publique, j’ai tellement négligé mes affaires personnelles, que je ressemble aujourd’hui à cet homme qui avait partagé son capital entre un certain nombre de