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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/11

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réconcilier les membres divisés de notre maison, et je sois en mesure d’opérer une réconciliation par le consentement de l’empereur à mon mariage avec la fille de mon parent. Vous voyez donc de quel intérêt est pour moi cette recherche.

— Par le contrat de mariage, vous pourriez, je n’en doute pas, vous assurer la possession définitive de la portion de revenus dont vous jouissez déjà, et si vous surviviez à votre parent, son bien tout entier vous appartiendrait. C’est, en vérité, un mariage des plus désirables, et, s’il avait lieu, votre cousin obtiendrait, je suppose, une complète amnistie ?

— Comme vous le dites.

— Mais, indépendamment même de ce mariage, puisque la clémence de l’empereur s’est étendue à tant de proscrits, le rappel de votre cousin ne serait-il pas probable ?

— Je l’ai cru quelque temps, dit le comte avec répugnance, mais depuis que je suis en Angleterre, j’ai cessé de l’espérer. La récente révolution de la France, les progrès de l’esprit démocratique en Europe ne peuvent être que nuisibles à la cause d’un rebelle proscrit. L’Angleterre fourmille de révolutionnaires ; la résidence seule de mon parent dans ce pays suffirait à le rendre suspect. Sa retraite obstinée augmente encore les soupçons. Il ne manque pas ici d’Italiens prêts à témoigner qu’il est de nouveau engagé dans des complots révolutionnaires.

— À en témoigner faussement ?

— Ma foi, cela revient au même ; les absents ont toujours tort. Je parle à un homme sans préjugés. Non ; sans la garantie que donnerait au gouvernement mon mariage avec la fille de mon cousin, son rappel est peu probable ; et, de par le ciel, j’aurai soin qu’il soit impossible. » Le comte se leva en disant ces mots, comme un homme qui jette résolûment le masque ; il se leva, droit et menaçant, l’image même de la puissance et de la force viriles en face du corps frêle et courbé, de la face pâle et maladive de l’aventurier intellectuel.

Et quiconque eût vu le contraste qu’ils formaient ainsi, aurait compris que si un jour venait où l’intérêt de l’un le poussât à dénoncer l’autre, il était probable que le brillant et audacieux réprouvé triompherait de la faiblesse physique et de l’esprit supérieur du traître furtif.

Randal tressaillit ; il se leva aussi et dit négligemment :

« Mais si cette garantie ne pouvait plus être donnée ? Si, désespérant de rentrer en Italie, et résigné à son changement de fortune, votre cousin avait déjà marié sa fille à un Anglais ?

— Ah ! ce serait là, à l’exception de mon propre mariage, ce qui pourrait m’arriver de plus heureux.

— Comment cela ? Je ne vous comprends pas.

— Mort de ma vie ! Croyez-vous que cela ne détruirait pas pour mon cousin toute chance de rappel, et ne serait pas, aux yeux de l’Italie, une raison légitime de conférer ses domaines séquestrés à un Italien ? Non, à moins que la jeune fille n’eût épousé un Anglais d’une naissance et d’un nom tels qu’ils fussent à eux seuls une ga-