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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/119

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CHAPITRE XXXV.

Randal était décidé. Tout ce qu’il avait appris de Lévy avait confirmé ses résolutions ou dissipé ses scrupules. Il avait d’abord objecté qu’il était peu probable que Peschiera lui offrît, et encore moins lui payât une somme de dix mille livres pour le concours qu’il pourrait apporter à l’exécution de ses desseins.

Mais lorsque Lévy s’était porté garant de toutes ces promesses, Randal ne s’était plus fait qu’une seule question. Était-il de l’intérêt de celui-ci de faire un sacrifice aussi considérable ? Si le baron eût prétendu n’être guidé par d’autres motifs que par ses sentiments affectueux pour Randal, celui-ci n’eût pas douté un instant qu’il ne voulût se jouer de lui ; mais l’assurance que lui avait donnée l’usurier qu’il trouvait son profit à lui faire des conditions aussi avantageuses, engageait le jeune philosophe à examiner l’affaire avec calme et réflexion. Était-il bien clair que Lévy dût compter sur un ample dédommagement ? Devait-il espérer de récolter par boisseaux ce qu’il semait par poignées ? Le résultat des méditations de Randal fut que le baron pouvait en toute justice s’estimer un semeur prévoyant. En premier lieu il était clair que Lévy pouvait raisonnablement espérer d’être payé promptement et avec un intérêt considérable de la somme qu’il avancerait à Randal, sur la fortune que les renseignements fournis par celui-ci procureraient au comte de Peschiera ; et secondement Randal avait en lui-même une immense confiance, et il était aussi convaincu qu’une fois affranchi des soucis pécuniaires, il arriverait rapidement à une grande position politique, que si le succès lui eût été prédit par un ange, ou assuré par un démon. Il avait compris clairement que dans toutes les actions bonnes ou généreuses qu’on racontait de lui, Lévy n’avait au fond été dirigé que par son intérêt propre ; il comprenait aussi que l’usurier voulait le tenir en son pouvoir et se servir de ses talents pour creuser de nouvelles mines sur le produit desquelles il se promettait de prélever des droits de suzeraineté considérables. Mais Randal se fiait à sa propre habileté pour se dégager quand il lui plairait des griffes de l’usurier. Son esprit, imposant donc tout à fait silence aux murmures de sa conscience, s’élança joyeusement vers l’avenir. Il vit ses domaines héréditaires reconquis. Il se réjouissait à la pensée d’ajouter au domaine de Rood, les vastes terres d’Hazeldean. Il songeait à Lansmere, à Avenel, au Parlement ; d’une main il saisissait la fortune, de l’autre le pouvoir.

« Et cependant, se disait-il, je suis entré dans la vie sans autre patrimoine (si l’on en excepte un manoir en ruines et quelques landes