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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/212

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avoué pour le transfert de l’invention, à des conditions qui, déclara-t-il, « seraient honorables pour les deux parties, » se hâta d’aller dans la cité à la recherche de quelque capitaliste monstre qui voulût bien l’aider à se tirer des griffes de Lévy et des machines de son rival.


CHAPITRE LVII.

Harley L’Estrange était dans son appartement. Il venait de fermer un volume de quelque classique favori, et sa main était posée sur le livre. Depuis le retour d’Harley en Angleterre, un changement était survenu dans sa physionomie et même jusque dans sa démarche et dans son attitude ; ce changement était plus marqué encore depuis sa dernière entrevue avec Hélène. Ses lèvres serrées exprimaient la fermeté et la résolution, son front une calme décision. À la grâce indolente de ses mouvements avait succédé je ne sais quelle énergie calme et recueillie, semblable à celle qui distinguait Egerton lui-même. Si l’on avait pu lire dans son cœur, on y eût vu qu’Harley, pour la première fois, s’efforçait réellement de vaincre ses passions et son humeur, qu’en lui tout l’homme se préparait aux combats du devoir.

« Non, murmurait-il, non, Je ne veux songer qu’à Hélène, qu’à la vie réelle ! Ne fussé-je pas fiancé à une autre, que serait pour moi cette Italienne aux yeux noirs ? Quelle folie ! Moi, aimer encore ! Moi qui, pendant tout le printemps de ma vie, ai gardé ma foi à une mémoire et à un tombeau ! Allons, Harley, il est temps d’être homme et d’agir en homme ; contente-toi de l’affection, ne rêve plus la passion. Renonce à un faux idéal. Es-tu donc un poète pour croire que la vie puisse être un poème ? »

La porte s’ouvrit, et Harley vit entrer le prince autrichien qu’il avait intéressé à la cause de Violante et de son père.

« Avez-vous découvert les documents dont vous m’avez parlé, dit le prince. Il me faut retourner à Vienne dans quelques jours, et si je ne m’y présente muni de quelque preuve tangible de la trahison de Peschiera ou de quelque excuse concluante pour son noble parent, je crains que celui-ci n’ait d’autre moyen de rentrer en Italie que d’accorder la main de sa fille à son perfide ennemi.

— Hélas ! dit Harley, jusqu’ici toutes mes recherches ont été vaines, et je n’ose tenter d’autres démarches dans la crainte d’éveiller l’attention de Peschiera et de l’exciter à chercher de son côté. Il faut donc que mon pauvre ami se résigne à l’exil. Accorder la main de Violante au comte serait déshonorant. Mais bientôt je serai marié, et je pourrai offrir au père et à la fille un asile moins indigne de leur rang.