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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/223

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avant que je la remette entre vos mains, il me faut entrer dans quelques explications. Veuillez donc m’entendre. »

Violante secoua la tête avec impatience et tendit la main pour prendre la lettre. Randal étudia sa physionomie avec son regard perçant et scrutateur, mais il garda la lettre et reprit :

« Je sais que vous étiez née pour une fortune princière, et si j’ose aujourd’hui m’adresser à vous, c’est que vous avez perdu tout droit à cette fortune, à moins que vous ne consentiez à une alliance avec l’homme qui a trahi votre père, à une union que celui-ci regarderait comme déshonorante pour vous et pour lui. Signorina, j’aurais peut-être eu l’audace de vous aimer, mais je n’aurais jamais osé vous parler de mon amour, si votre père ne m’eût encouragé de son assentiment. »

Violante tourna vers Randal un visage éloquent dans sa hautaine surprise Randal supporta ce regard sans fléchir. Il continua du ton d’un homme qui raisonne avec calme.

« L’homme dont je vous parle est à votre poursuite. J’ai même des raisons de croire qu’il s’est déjà introduit près de vous. Ah ! votre visage l’avoue ; vous avez vu Peschiera ? Cette maison est donc moins sûre que ne le pensait votre père ? Vous ne serez à l’abri de votre ennemi que dans la maison d’un mari. Je vous offre mon nom ; — c’est celui d’un gentilhomme ; ma fortune, qui est médiocre, mais aussi le partage de mes espérances d’avenir, qui sont grandes. Je remets entre vos mains la lettre de votre père, et j’attends votre réponse. »

Et Randal, s’inclinant légèrement, donna la lettre à Violante et se retira à quelques pas.

Son projet n’était pas de se concilier Violante, mais bien plutôt d’exciter sa répugnance ou du moins sa terreur. — Nous découvrirons plus tard dans quel but ; il demeura donc à l’écart, affectant une sorte de confiante indifférence, tandis que la jeune fille lisait ce qui suit :

« Mon enfant, reçois avec bonté M. Leslie. Il a mon consentement pour te demander ta main. Des circonstances, dont il est inutile de t’informer en ce moment, rendent votre mariage immédiat nécessaire à ma tranquillité et à mon bonheur. En un mot, j’ai donné ma parole à M. Leslie, et j’attends avec confiance d’une fille de ma maison qu’elle accomplisse la promesse d’un père tendre et dévoué. »

La lettre échappa aux mains de Violante. Randal s’approcha et la lui rendit. Leurs yeux se rencontrèrent, Violante recula.

« Je ne puis vous épouser, dit-elle avec passion.

— En vérité ! répondit sèchement Randal. Est-ce parce que vous ne m’aimez pas ?

— Oui.

— Je n’espérais pas que vous pussiez déjà m’aimer, et cependant je persiste dans ma demande. J’ai promis à votre père de ne pas me retirer devant un refus inconsidéré.

— Je vais aller trouver mon père à l’instant.

— Vous y engage-t-il dans sa lettre ? Regardez bien. Pardonnez-moi, mais il a prévu votre impétuosité, et j’ai aussi une lettre pour