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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/228

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son quelconque, vous pourriez m’y succéder. Ce sera peut-être bientôt. Gagnez les bonnes grâces des électeurs et parlez pour nous deux dans les cabarets. Je me renfermerai dans ma dignité et je vous laisserai la besogne de l’élection. Pas de remercîments. Vous savez que je les déteste. Bonsoir. »

« Je ne me suis jamais vu si près de la fortune et du pouvoir, se disait Randal en se déshabillant lentement. Et je n’en suis redevable qu’à la science, à la science des hommes, de la vie, de tout ce que les livres peuvent enseigner. »

Il souffla sa bougie et se prépara au repos ; les volets étaient clos, les rideaux tirés, jamais sommeil ne fut plus tranquille, jamais chambre ne fut plus obscure.

Ce soir-là Harley avait dîné chez son père. Il causa beaucoup avec Hélène et parla peu à Violante. Mais il arriva que lorsqu’un peu plus tard Hélène joua sur sa demande un des airs qu’il aimait, lady Lansmere, qui était assise entre Violante et lui, quitta la chambre ; Violante alors se tourna vivement vers Harley.

« Connaissez-vous la marquise di Negra ? lui dit-elle à voix basse.

— Un peu. Pourquoi ?

— C’est mon secret, répondit Violante essayant de retrouver son sourire malicieux et enfantin d’autrefois. Mais, dites-moi, la croyez-vous meilleure que son frère ?

— Bien certainement. Je crois qu’elle a un bon cœur et qu’elle n’est pas dépourvue de qualités généreuses.

— Ne pourriez-vous décider mon père à la voir ? Ne le lui conseilleriez-vous pas ?

— Vos désirs sont pour moi des ordres, répondit galamment Harley. Vous souhaitez, dites-vous, que votre père la voie ? J’essayerai de le lui persuader. Maintenant, confiez-moi votre secret en échange. Quel est votre but ?

— De pouvoir retourner en Italie. Je ne me soucie ni de rang, ni d’honneurs ; mon père lui-même a cessé d’en regretter la perte. Mais mon pays, mon pays natal ! Oh ! le revoir encore une fois ! Le revoir et y mourir !

— Y mourir ! Il y a si peu de temps que vous autres enfants vous avez quitté le ciel, que vous parlez d’y retourner comme si vous le pouviez sans passer par les portes de la douleur, de l’infirmité et de l’âge ! Mais je croyais que vous aimiez l’Angleterre. Pourquoi donc êtes-vous si désireuse de la quitter ? — Violante, vous vous conduisez mal envers nous, envers Hélène qui vous aime déjà tant. »

En ce moment Hélène quitta le piano, et s’approchant de Violante, posa sur son épaule une main caressante. Violante frissonna, se recula et presque aussitôt quitta le salon. Harley et Hélène la suivirent des yeux jusqu’à la porte.

« Votre amie n’est-elle pas changée ? dit Harley en regardant à terre.

— Oui, bien changée depuis quelques jours. Je crains que quelque chose ne la tourmente.