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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/249

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j’espère réussir en le réconciliant avec son père, qui est un homme généreux et sensé), décida facilement le jeune lord à seconder mes plans. Il laissa croire à Lévy que le comte prendrait possession du vaisseau, mais prétextant un rendez-vous et disputant encore sur les conditions de la vente, il remit au lendemain de fixer définitivement le prix. J’étais donc maître de ce vaisseau qui, j’en étais certain, devait servir à l’infâme dessein de Peschiera. Mais il était important de ne pas éveiller les soupçons du comte, je permis donc aux pirates qu’il avait recrutés de venir à bord ; je savais pouvoir m’en débarrasser lorsque cela serait nécessaire. Pendant ce temps Frank avait entrepris de ne quitter Peschiera qu’après avoir vu et enfermé chez lui le domestique que le comte avait chargé d’accompagner la marquise. Ce domestique, une fois arrêté, j’avais l’espoir fondé de découvrir votre fille avant que Peschiera eût pu même l’outrager de sa présence. Mais, hélas ! Frank n’est point élève de Machiavel. Peut-être le comte lut-il ses secrètes pensées sur sa physionomie ouverte et expressive ; peut-être voulut-il seulement se débarrasser d’un compagnon incommode, toujours est-il qu’il réussit à éluder la poursuite de notre jeune ami aussi adroitement que vous ou moi aurions pu faire ; il lui dit que Béatrix était à Roehampton, qu’elle lui avait emprunté sa voiture pour y aller, offrit d’y mener Frank, et l’y mena en effet. Frank fut alors introduit dans un grand salon, où après avoir attendu quelques instants, tandis que le comte était sorti sous prétexte de revoir sa sœur, il vit entrer certaine danseuse de l’Opéra. Pendant ce temps le comte était sur la route de Londres, et Frank eut à s’en retourner comme il pouvait. À son retour il chercha partout Peschiera sans parvenir à le retrouver. Il était tard lorsqu’il vint m’apprendre ces nouvelles. Elles m’inquiétèrent sérieusement. Peschiera d’un moment à l’autre pouvait apprendre mon contre-plan au sujet du yacht, ou encore il pouvait retarder son départ jusqu’à ce qu’il eût entraîné Violante dans quelque… en un mot, tout était à craindre d’un homme de ce caractère. Je ne pouvais deviner l’endroit où l’on avait emmené votre fille ; je n’avais aucun prétexte pour faire arrêter Peschiera, aucun moyen même de savoir où il était. Il n’était point rentré chez lui. La police était en défaut ; elle me fournit cependant un renseignement précieux, en m’indiquant l’endroit où je trouverais plusieurs de vos compatriotes dont la trahison de Peschiera avait causé l’exil. J’envoyai Giacomo vers ces hommes pour les engager à servir d’équipage au yacht. Il était nécessaire que si le comte ou ses gens se rendaient à bord après que nous aurions chassé l’équipage pirate, ils y trouvassent des Italiens qu’ils prissent pour leurs bravi. J’adjoignis à ces étrangers quelques matelots anglais qui avaient déjà servi à bord du même vaisseau, et sur lesquels Spendquick m’assura qu’on pouvait compter. Cependant ces précautions ne pouvaient servir que dans le cas où Peschiera continuerait à vouloir s’embarquer et différerait jusque-là toute machination contre ses captives. Tandis qu’au milieu de ces craintes et de ces incertitudes je m’efforçais de conserver ma