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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/260

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loyauté qui attachent votre famille à la mienne, dites-moi : Oui, je vous le promets. »

Richard Avenel fut au moment de se laisser fléchir. Il détourna le visage ; mais soudain il revit en pensée le regard dédaigneux d’Audley Egerton, le mépris avec lequel lui, maire de Screwstown, avait été mis à la porte du cabinet du ministre, et le sang lui montant au visage, il frappa du pied et s’écria avec colère : « Non, j’ai juré qu’il lui en cuirait de son insolence, et tout le savon du monde ne saurait laver ce serment. Il faut donc absolument, ou que vous retiriez sa candidature ou que je la combatte. Et je vous jure que je le ferai, et cela de la manière qui lui sera le plus sensible, dût-il m’en coûter la moitié de ma fortune ! Mais il ne m’en coûtera pas tant, ajouta Dick en se calmant, car lorsque le flot populaire monte de votre côté, c’est étonnant combien une élection est bon marché. Pour lui la bataille lui coûtera cher, et inutilement ou pis encore. Réfléchissez-y milord.

— J’y réfléchirai. Mais à mon tour je dis que mon amitié est aussi forte que votre haine, et que quand il devrait m’en coûter non pas seulement la moitié de ma fortune, mais ma fortune tout entière, Audley Egerton sera nommé sans dépenser un shilling, si une fois nous décidons qu’il doive engager la lutte.

— Très-bien, milord, très-bien, reprit Dick se redressant, et remettant ses gants ; nous verrons si l’aristocratie l’emportera encore une fois sur le libre choix des électeurs. Mais le peuple est éveillé, milord. Les lumières se répandent de plus en plus, le maître d’école fait son œuvre et le lion britannique…

— Il n’y a que nous ici, mon cher Avenel. Et n’est-ce pas un peu là ce que vous appelez de la blague. »

Dick tressaillit, ouvrit de grands yeux, rougit et puis éclata de rire :

« Donnez-moi encore une fois la main, milord. Vous êtes un bon enfant ; ça oui vous l’êtes ! Et pour l’amour de vous…

— Vous ne combattrez pas Egerton.

— Je le combattrai à mort ! » cria Dick se bouchant les oreilles, et s’enfuyant littéralement de la chambre.

La physionomie d’Harley subit un de ces changements qui chez lui étaient si fréquents, et qui le sont généralement beaucoup plus chez les gais enfants du monde que ne l’imaginent les gens d’habitudes réglées et de caractères fermes et conséquents. Il y a des hommes que nous appelons nos amis et dont la figure nous est presque aussi familière que la nôtre ; cependant si nous pouvions les apercevoir lorsque restés seuls ils retombent sur leur fauteuil, nous soupirerions en voyant combien souvent le sourire des lèvres les plus sincères n’est que le courageux effort d’un soldat bien dressé qui l’a assumé pour la parade.

Il serait difficile de définir les pensées que laissa à Harley la visite de Richard Avenel.

Audley Egerton à sa place en eût tiré quelque consolation ; il se