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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/322

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chose, c’est de ne rien faire que n’approuve lord L’Estrange. Cela te va-t-il ?

— Certainement, pourvu toutefois que je sois assuré de cette approbation.

Le jour important qui précède le scrutin et où les candidats devaient être officiellement proclamés et se rencontrer dans toute la solennité d’une rivalité déclarée se leva enfin. L’hôtel de ville était l’endroit désigné pour la cérémonie ; et dès avant le lever du soleil la musique se faisait entendre dans les rues, et les bannières déployées flottaient au vent.

Audley Egerton comprit qu’il ne pouvait, sans s’exposer à des sarcasmes mérités sur sa crainte de se montrer au bourg qu’il avait jadis représenté, et dont les mécontents l’avaient brûlé en effigie, s’absenter de l’hôtel de ville comme il avait fait du balcon et de l’hôtel. Telle pénible que fût pour lui l’idée de combattre en face le frère de Nora, de lutter en public contre les souvenirs secrets qui unissaient dans sa pensée à la bataille présente les angoisses du conflit passé, il fallait cependant paraître, et Egerton avait pour habitude d’affronter avec courage ce qu’il avait une fois reconnu nécessaire.


CHAPITRE XXIII.

Les chefs du parti bleu quittèrent le château en grande cérémonie ; les deux candidats dans des voitures découvertes, chacun accompagné de son parrain et de son second. Harley, Lévy et les principaux membres du comité suivaient dans d’autres voitures. Riccabocca, cédant à un accès de mélancolie ou d’indifférence, avait refusé de se joindre au cortège. Au moment où tous allaient partir et étaient rassemblés devant la porte, on vit arriver le facteur et son sac de cuir toujours bien accueillis. Il y avait des lettres pour Harley, pour Lévy, pour Egerton ; il y en avait aussi une pour Randal.

Lévy, après avoir jeté un coup d’œil sur sa correspondance, regarda, avec la familiarité dont il honorait ses amis particuliers, par-dessus l’épaule de Randal.

« Ah ! c’est du squire, dit-il. Il écrit enfin ! Pourquoi donc a-t-il tardé si longtemps ? J’espère qu’il dissipe vos inquiétudes ?

— Oui, dit Randal, laissant voir une joie qui illuminait bien rarement sa physionomie froide et mystérieuse, oui ; ce n’est pas d’Hazeldean qu’il m’écrit ; lorsque ma lettre est arrivée, il était à Londres ; il n’avait pu rester à Hazeldean, il y pensait trop à Frank, il était retourné à Londres après avoir reçu ma première lettre, qui l’informait de la rupture du mariage, pour y chercher son