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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/342

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Lévy les compliments de M. Egerton, qui le priait de venir le trouver immédiatement pour quelques minutes.

« Eh bien ! dit Lévy lorsque le domestique se fut retiré, je vais aller voir ce que me veut Egerton, et en le quittant je me rendrai à la ville. J’y passerai peut-être la nuit. » Puis saluant Randal, le baron se dirigea vers l’appartement d’Audley.

À peine y était-il entré que l’homme d’État lui cria brusquement : « Lévy m’avez-vous trahi ? Avez-vous révélé mon secret, mon premier mariage à lord L’Estrange ?

— Non Egerton ; sur l’honneur, je ne lui ai rien dit.

— Vous avez entendu son discours ! N’avez-vous pas senti une ironie amère sous chacune de ses louanges ? Ou n’est-ce que… que ma conscience ? ajouta l’orgueilleux Egerton à travers ses dents serrées.

— En vérité, lord L’Estrange me paraît avoir choisi pour thème de ses louanges précisément les mêmes traits de votre caractère que n’importe quel autre de vos amis eût fait servir à votre panégyrique.

— N’importe quel autre de mes amis ! Quels amis ? murmura Egerton d’un air sombre. Puis il ajouta d’un ton qui n’avait rien de sa fermeté habituelle : votre présence ici m’a beaucoup étonné, Lévy, comme je vous l’ai dit tout à l’heure ; je n’en ai pas compris la nécessité. Harley vous a pressé d’y venir ? — Lui qui ne vous aime point. Vous m’aviez tous deux donné pour raison que vos relations avec Richard Avenel vous permettraient d’atténuer son opposition. Je ne puis vous féliciter du succès.

— Mon succès apparaîtra plus tard. Sa violente attaque d’aujourd’hui peut n’être qu’une feinte pour couvrir son alliance de demain.

— Il s’est fait un changement chez Harley envers moi comme envers tous, continua Audley sans prendre garde à l’interruption, les autres peuvent ne pas le voir, mais moi je connais Harley depuis son enfance.

— Il s’occupe pour la première fois d’affaires. Ceci expliquerait un changement beaucoup plus grand que celui même que vous remarquez.

— Le voyez-vous familièrement ? Causez-vous souvent avec lui ?

— Non, si ce n’est au sujet de l’élection. Il me consulte parfois sur les chances de Randal Leslie, qui l’intéresse vivement comme étant votre protégé.

— Cela aussi m’étonne. Enfin ! je suis las de m’inquiéter, de me tourmenter. Ce pays-ci m’est en horreur ; après-demain je le quitterai et je respirerai en paix. Vous avez vu les rapports ; je n’ai pas eu le cœur de les examiner. L’élection est-elle aussi assurée qu’on le dit ?

— Si Avenel retire son neveu et que les votes se partagent en votre faveur, vous êtes en sûreté !

— Et vous croyez qu’il le retirera ? Pauvre jeune homme ! Une défaite à son âge et avec ses talents est dure à supporter. Audley soupira.