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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/368

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— Oui, » dit Egerton, et il retomba sur son oreiller.

Harley quitta la chambre et alla retrouver Randal qui, ainsi que les membres les plus importants du comité bleu, déjeunait à la hâte.

Tous étaient inquiets et agités excepté Harley, qui, avec un calme parfait, trempait une rôtie sèche dans son café, selon la sobre habitude qu’il en avait contractée en Italie. Randal faisait de vains efforts pour paraître aussi tranquille. Bien que certain de son élection, il savait qu’elle serait nécessairement suivie pour lui d’une scène d’hypocrisie fatigante ; il lui faudrait affecter un profond chagrin au milieu de la joie la plus vive, jouer le rôle d’un homme généreusement affligé de se trouver, par un hasard imprévu, par une inexplicable méprise, préféré à Egerton. L’idée que le squire allait arriver et lui apporter l’argent nécessaire à l’achat des terres qu’il convoitait si ardemment l’agitait aussi. Le déjeuner s’acheva rapidement. Les membres du comité, regardant à leur montre, donnèrent le signal du départ ; Harley, passant sur la terrasse fit signe à Randal, qui l’y suivit aussitôt.

« Monsieur Leslie, dit Harley, appuyé sur la balustrade et caressant négligemment la grosse tête de Néron, vous vous rappelez sans doute que vous avez eu la bonté de m’offrir l’explication de certaines circonstances relatives à vos relations avec le comte de Peschiera, explications que vous avez déjà données au duc de Serrano ; je vous ai répondu que je ne pouvais alors m’occuper que des élections, mais que, dès qu’elles seraient finies, je serais prêt à écouter toutes les communications dont il vous plairait de m’honorer. »

Ces paroles surprirent Randal et ne contribuèrent pas à calmer son agitation nerveuse. Cependant il répondit sur-le-champ :

« Je m’estimerai heureux, milord, de dissiper en vous, sur ce sujet comme sur tout autre, toute espèce de doute injurieux pour mon honneur.

— Vous dites fort bien, monsieur Leslie ; personne ne s’exprime mieux que vous ; et je réclame votre promesse avec d’autant moins de scrupules que le duc m’a confié combien il est affligé de la répugnance que montre sa fille à ratifier une promesse qui engage son honneur dans le cas où le vôtre serait déchargé de tout soupçon. J’ai acquis quelque influence sur cette jeune fille en la sauvant de l’odieux guet-apens de Peschiera, et le duc me presse d’écouter vos explications dans l’espoir que, si elles me satisfont comme lui, je pourrai ramener sa fille à des sentiments plus favorables envers un prétendant qui a été au moment de risquer sa vie pour elle contre un duelliste aussi redoutable que le comte.

— Milord, dit Randal en saluant, je serais en effet bien heureux que vous parvinssiez à détruire chez ma fiancée une répugnance qui obscurcit seule mon bonheur, et qui mettrait sur-le-champ un terme à mes prétentions, si je ne l’attribuais à une connaissance imparfaite de moi-même, que ma vie entière sera consacrée à changer en confiance et en affection.

— On ne saurait mieux dire, répéta Harley d’un air de profonde