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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/69

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« Une autre fois alors, dit-il. »

Violante fut étonnée de cette réponse peu gracieuse ; elle l’aurait blâmée comme dure chez un autre, mais Harley à ses yeux avait toujours raison.

« Ne puis-je aller avec miss Digby ? dit-elle, et ma mère viendra sans doute aussi. Nous connaissons toutes deux mistress Fairfield ; nous serons bien aises de la revoir.

— Soit ! dit Harley ; je resterai avec votre père jusqu’à votre retour. Quant à mère, elle vous excusera volontiers ainsi que mistress Riccabocca. Voyez comme elle est enchantée de votre père ; il faut que je reste pour veiller aux intérêts conjugaux du mien. »

Mais mistress Riccabocca respectait trop l’usage et l’étiquette pour consentir à quitter la comtesse, et Harley fut forcé d’en appeler directement à celle-ci ; lorsqu’il eut expliqué ce dont il s’agissait, lady Lansmere se leva et dit :

« Mais j’irai moi-même avec miss Digby.

— Non, lui dit Harley à voix basse, non, cela ne se peut pas. Je m’expliquerai plus tard.

— Alors, dit tout haut la comtesse, après avoir jeté un regard de surprise vers son fils, alors j’insiste pour que vous fassiez cette visite, chère madame, et vous aussi, signorina. En vérité, j’ai quelque chose de confidentiel à dire à…

— À moi ! interrompit Riccabocca. Ah ! madame la comtesse, vous me rendez mes vingt-cinq ans. Allez-vous-en vite, épouse jalouse et méconnue, allez-vous-en toutes deux, vite, et vous aussi Harley.

— Non, reprit du même ton lady Lansmere, Harley peut rester, car, quoi que je puisse faire plus tard, je n’ai pas pour le moment dessein de porter atteinte à votre bonheur conjugal. Mes intentions sont si innocentes que je ne doute pas que mon fils ne se joigne à moi dans ce que j’ai à vous proposer. »

Ici la comtesse parla bas à Harley qui l’écouta avec une attention sérieuse, et lorsqu’elle se tut il lui serra la main et inclina la tête en signe d’assentiment.

Quelques minutes plus tard les trois dames et Léonard étaient sur le chemin conduisant au cottage.

Violante, avec son tact accoutumé, pensa que Léonard et Hélène devaient avoir bien des choses à se dire ; ignorant comme Léonard lui-même qu’Hélène fût fiancée à Harley, elle commença à rêver pour eux une heureuse union. Elle marcha donc en avant, donnant le bras à sa belle-mère, tandis qu’Hélène et Léonard les suivaient à quelque distance.

Léonard n’avait pas offert le bras à sa compagne ; ils avaient jusqu’ici marché l’un à côté de l’autre et en silence. Hélène cette fois parla la première ; en pareille occasion c’est presque toujours la femme, si timide qu’elle soit, qui commence l’entretien. D’ailleurs ici Hélène était la plus ferme, car Léonard ne se dissimulait pas la nature de ses sentiments, tandis qu’Hélène était fiancée, et