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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/76

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vous êtes ; je lui en fournirai l’occasion. Allons, n’hésitez pas ; vous connaissez votre proverbe italien :

Bocca chiusa et occhio aperto,
Non fece mai bissun diserto.

La bouche close et l’œil ouvert, etc.

— C’est parfaitement vrai, dit le docteur, vous avez raison. In bocca chiusa non c’entrano mosche. Celui qui tient la bouche fermée, n’avale pas de mouches. Corpo di Bacco ! vous avez raison !


CHAPITRE XX.

Violante et Jemima furent toutes deux bien étonnées lorsqu’à leur retour elles apprirent la décision dont la première était l’objet. La comtesse insista pour emmener Violante sur-le-champ et Riccabocca l’appuya en disant : « Certainement, le plus tôt sera le mieux. » La jeune fille était éperdue et stupéfaite. Jemima alla faire à la hâte un petit paquet des choses les plus nécessaires à sa belle-fille, tout en poussant plus d’un soupir à la pensée de la mince garde-robe de celle-ci. Mais parmi les vêtements elle glissa une bourse contenant ses économies de plusieurs mois, de plusieurs années peut-être, et y joignit un billet affectueux dans lequel elle engageait Violante à prier la comtesse de lui acheter tout ce qui était convenable pour la fille de son père. Le départ brusque et inattendu d’un de ses membres cause toujours à une famille un certain sentiment de malaise. La petite réunion se divisa deux par deux. Violante s’était rapprochée de son père et écoutait avec distraction les explications assez peu claires qu’il lui donnait. La comtesse causait avec Léonard, et selon la coutume des personnes de qualité lorsqu’elles s’adressent aux jeunes auteurs, le complimentait hautement sur ses livres qu’elle n’avait pas lus, mais que son fils lui avait dit être fort remarquables. Elle aurait désiré savoir où Harley avait fait connaissance avec ce M. Oran qu’il appelait son ami, mais elle était trop bien élevée pour le demander ou pour paraître s’étonner que le génie fût l’égal du rang. Elle pensait naturellement que leur connaissance avait dû se faire sur le continent.

Harley causait avec Hélène. « Vous n’êtes pas fâchée, lui dit-il, que Violante vienne avec nous ? Ce sera pour vous une compagne telle que j’aurais pu le souhaiter. Elle est justement de votre âge.

— J’ai de la peine à penser qu’elle n’est pas plus âgée que moi, dit Hélène ingénument.

— Pourquoi cela, chère Hélène ?