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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/98

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et dont l’opportunité était cependant diversement jugée par les différents membres du cabinet, lorsqu’à ces allusions vinrent se joindre des appels directs faits à M. Egerton comme « au représentant éclairé d’un grand centre industriel, » lorsque fut exprimé un doute flatteur « que l’honorable membre nommé par cette grande cité pût être aussi arriéré que son chef officiel, » Randal remarqua qu’Egerton enfonça son chapeau davantage encore, et se mit à causer tout bas avec un de ses collègues. On ne put réussir à le faire parler. »

Le même soir, Randal rentrant à pied avec Egerton lui exprima sa surprise qu’il eût refusé l’occasion de faire une de ces réponses brèves et significatives pour lesquelles il était renommé, alors que l’y invitaient les « Écoutez » de la Chambre.

« Leslie, répondit l’homme d’État, j’ai dû tous mes succès dans le Parlement à une seule règle, celle de ne jamais parler contre mes convictions ; j’y serai fidèle jusqu’au bout.

— Mais si la question est posée devant la Chambre, voterez-vous contre ?

— Certainement, car je vote comme membre du cabinet ; seulement, comme je ne suis ni le chef ni l’orateur principal du parti, je conserve le droit de me taire ou de parler à mon gré.

— Oh, monsieur Egerton ! dit Randal, excusez-moi, mais cette question s’est si vivement emparée des esprits ! Une légère concession faite à temps suffirait à les satisfaire, tandis que, d’après ce que j’entends dire partout, il est si clair qu’en se refusant à toute concession le gouvernement prépare sa chute, que je voudrais…

— Ah ! moi aussi, je voudrais, interrompit Egerton d’un air de sombre impatience, moi aussi je voudrais ! Mais à quoi bon ? Si l’on avait suivi mon avis il y a trois semaines (maintenant il est trop tard), nous aurions pu doubler le cap ; nous avons refusé, et nous nous y briserons. »

Ce discours était si en dehors des habitudes réservées du ministre qu’il donna à Randal le courage d’exposer à son patron une idée qui était le fruit de sa propre sagacité. Et avant de la faire connaître, nous devons dire que depuis quelque temps Egerton s’était montré plus affectueux envers son protégé ; soit que son courage fût abattu, ou que du moins en dépit de sa nature de bronze, il éprouvât l’impérieux besoin de faire entendre ses gémissements à une oreille amie, l’austère Audley semblait moins hautain et plus familier. Randal continua donc :

« Voulez-vous me permettre de vous répéter ce que j’ai entendu dire par rapport à vous et à votre position, dans les clubs, dans les rues ?

— Oui ; les clubs et les rues sont l’école des hommes d’état. Dites.

— Eh bien, donc, j’ai entendu beaucoup de gens s’étonner que vous et un ou deux de vos collègues que je ne nommerai pas, vous ne quittiez pas sur-le-champ le ministère, par le motif avoué que vous êtes d’accord avec le sentiment public sur cette importante question.

— Ah !