Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/122

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Absorbé par ces réflexions je traversais le Pont-Neuf lorsque j’aperçus l’homme que Warburton avait si attentivement épié à la maison de jeu. Ce devait être le Tyrrel qui avait fait le sujet de la conversation du Jardin des Plantes. Il passa lentement près de moi et je pus voir sur son visage sombre et fortement accentué, les signes d’un profond épuisement. Il marchait au hasard, sans regarder ni à droite ni à gauche, avec cet air songeur et distrait des gens qui sont en proie à une passion vive et absorbante.

Nous arrivions à l’autre côté de la Seine, quand je vis approcher la femme du Jardin des Plantes. Tyrrel (car tel était son nom ainsi que je l’appris plus tard) s’arrêta lorsqu’elle fut près de lui, et lui demanda d’un ton dur, où elle avait été ? Comme je n’étais qu’à quelques pas derrière lui, je pus voir très-nettement le visage de cette femme, Elle avait de vingt-huit à trente ans. Ses traits étaient décidément beaux, quoiqu’ils eussent quelque chose de trop mince et de trop aquilin. Ses yeux étaient bleus et un peu enfoncés, et son teint avait une pâleur et une langueur maladives. En somme l’expression de son visage, quoique un peu dure, n’était pas sans charme. Lorsqu’elle rendit à Tyrrel son salut qui n’avait été rien moins qu’aimable, ce fut avec un sourire qui la rendit en ce moment tout à fait belle.

« Où j’ai été ? dit-elle, mais j’ai été voir cette nouvelle église qu’on disait si superbe !

— Il me semble, répliqua l’homme, que dans notre situation, ce ne sont pas là précisément des spectacles fort amusants.

— Non, Tyrrel, lui dit-elle en prenant son bras et en marchant avec lui à quelques pas devant moi, non, quoique nous soyons riches maintenant en comparaison de ce que nous étions ; et si vous jouez encore, vos deux cents livres peuvent devenir une fortune. Vos pertes vous ont rendu habile, et vous pouvez maintenant les faire tourner à votre avantage. »

Tyrrel ne répondit rien à ces paroles ; seulement il avait l’air de faire en lui-même des calculs.

« Deux cents livres ! il y en a déjà vingt de parties ! dans quelques mois tout cela aura fondu. Qu’est-ce que