Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/187

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l’économie politique est celle qui occupe le moins de place dans les livres, et c’est la plus difficile à bien connaître, parce que l’étude des points les plus élevés de cette science demande une ardeur de réflexion qui compense des lectures naturellement incomplètes. L’ouvrage de Ricardo, en y joignant quelques commentaires de vive voix sur certains points, doit nous suffire pour le présent. J’espère donc vous montrer combien la grande science de la politique publique est inséparablement liée à celle de la moralité privée. Et c’est là, Henry, le but le plus élevé de tous. » Mais revenons à l’objet présent de nos études.

Je finis par acquérir, plutôt par les conversations de mon oncle que par les livres, une connaissance des éléments de la vraie science, suffisante pour me satisfaire moi-même et faire plaisir à mon professeur. Je dois dire, à l’honneur de mes études et de mon maître, que j’en retirai un profit intellectuel dont je me ressens encore à cette heure. J’arrivai à une connaissance claire des principes de la morale. Jusque-là le peu d’habileté que je pouvais posséder n’avait été employée qu’à des actes que vous n’avez, lecteur bienveillant, que trop condamnés, j’en ai peur. Mes bons sentiments, car je n’étais pas né mauvais, ne me servaient plus le moins du monde, dès le moment qu’une violente tentation se présentait sur ma route. Je n’avais pas d’autre guide que la passion, pas d’autre règle que l’impulsion du moment. Quel autre résultat pouvait-on attendre de mon éducation ? Si j’étais immoral, c’était que l’on ne m’avait jamais appris à être moral. Il n’y a rien peut-être qui soit moins inné que la vertu. J’avoue, du reste, que les leçons de mon oncle n’opérèrent point un miracle ; que, vivant dans le monde, j’ai ou ma part de ses erreurs et de ses folies. Le tourbillon était trop fort, l’atmosphère trop contagieuse ; j’ai su éviter du moins les fautes auxquelles mon tempérament me portait avec le plus d’entraînement. Je cessai de considérer le monde comme un jeu où il fallait tenir les cartes honnêtement, autant que possible, mais où il n’était pas absolument défendu de tricher un peu. Je ne continuai pas à séparer complètement mes intérêts de ceux des autres hommes ; si