Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Sir Lionel, lui dis-je, en lui adressant la parole d’un bout de la table à l’autre, je partage tout à fait votre sentiment ; je suis tout à fait d’avis, premièrement, qu’il importe absolument au salut de la nation de conserver la chasse, secondement que détruire la chasse c’est détruire, du même coup, l’existence des gentilshommes de province : il n’y a rien de plus clair que ces deux propositions ; mais je diffère de vous en ce qui concerne les dispositions nouvelles du projet de loi. Laissons complètement de côté, si vous voulez, les intérêts des classes pauvres et de la société en général ; ce ne sont pas là des considérations dignes de nous occuper un seul instant ; n’envisageons la chose qu’au point de vue de nos intérêts comme sportsmen. J’espère qu’il me suffira de quelques mots pour vous prouver clairement que les changements proposés nous feront une situation beaucoup meilleure que celle que nous avons aujourd’hui. »

J’examinai alors brièvement, mais pourtant d’une façon qui prouvait que je connaissais à fond la matière, la nature des lois existantes, et le caractère des modifications qu’on voulait y apporter. Je parlai d’abord des deux principaux inconvénients qu’avait le système actuel, pour les gentilshommes de province, à savoir le grand nombre des braconniers et les frais considérables que nécessitait la garde des propriétés. Comme je vis que l’intérêt était général et soutenu, j’insistai sur ces deux points avec l’énergie la plus pathétique, je m’arrêtai un instant pour attendre la réponse de sir Lionel et de deux ou trois personnes de son opinion ; comme ils convinrent qu’en effet il était hautement désirable de remédier, s’il était possible, à ces deux inconvénients, je m’attachai à montrer que cela était possible et comment cela était possible. Je soutins que les modifications proposées à la loi n’avaient justement pas d’autre but que celui-là ; j’allai au-devant des objections qu’on pouvait me faire et j’y répondis par plusieurs propositions aussi claires et aussi concises que possible. Comme j’avais parlé avec une grande politesse et un grand esprit de conciliation, que j’avais évité de faire paraître le moindre intérêt pour tout être humain en dehors des personnes de qualité, je vis, en finissant ma harangue, que j’avais produit une