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CHAPITRE LXIII


Christophe Clutterbuck était un individu ordinaire, d’une espèce très-commune, mais peu connue dans ce monde où les affaires et les intérêts tiennent tant de place. Je ne puis pas me flatter d’avoir à vous présenter en sa personne ce rara avis qu’on appelle un caractère neuf, et pourtant il y a quelque chose d’intéressant et de vraiment ignoré dans cette classe obscure et isolée dont je parle. Sur le point d’entrer dans la partie la plus sombre de mes mémoires, j’éprouve une satisfaction calme et douce à m’arrêter un instant pour crayonner en passant la physionomie de mon camarade de collège. Mon ami était entré à l’université avec une science dont se serait fait honneur un homme prêt à quitter le monde, et avec une naïveté dont aurait rougi un novice prêt à y débuter.

Calme, de mœurs douces et timides, on ne le voyait jamais franchir le seuil de son appartement si ce n’est pour répondre à l’appel des repas, des classes, ou des exercices religieux. Alors on apercevait son petit corps voûté, parcourant la cour quadrangulaire à pas précipités et évitant avec soin de marcher sur les bordures du maigre gazon interdit aux membres plébéiens de l’oligarchie collégiale. C’était à qui rirait et se moquerait de lui, parmi les étudiants plus favorisés du côté de la fortune que des sentiments, lorsque apparaissait l’humble écolier avec ses vêtements grossiers et son teint plombé.

Un seul visage s’épanouissait alors, c’était celui de