Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/60

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d’un paysan, au prix de ma science vaine et imparfaite ; je voudrais prendre son ignorance heureuse qui ne désire rien de plus que le monde borné qu’elle connaît, parce qu’elle ne sait pas qu’il y ait rien au delà. Certainement, mon cher et excellent ami, il y a dans les écrits des anciens une philosophie honorable et tranquille qui est faite pour me maintenir dans une meilleure situation d’esprit. Lorsque je viens de puiser à cette source de pensées si douces mais si mélancoliques qui découle des ouvrages du tendre et gracieux Cicéron, j’éprouve un moment de satisfaction, et je conçois presque de l’orgueil de ce résultat de mes études chéries. Mais ces moments-là sont bien courts, bien fugitifs, et il les faut payer cher. Il y a une chose, mon cher Pelham, qui me chagrine depuis quelque temps, c’est que par le fait de cette attention excessive que l’Université, suivant une coutume fastidieuse, nous habitue à porter aux détails et aux minuties dans les textes anciens, il me semble que parfois la beauté de l’ensemble et l’esprit général du sujet m’échappent. J’éprouve parfois plus de plaisir à trouver des amendements ingénieux à un texte altéré, qu’à en saisir le sens et à en admirer le tour. Tandis que je redresse un clou crochu dans les cercles de ce tonneau, je laisse évaporer le vin. Pourtant je me réconcilie quelque peu avec moi-même lorsque je réfléchis que ce malheur m’est commun avec le grand Porson et le savant Parr, deux hommes après lesquels je rougirais d’oser me citer alors même que ce serait pour être blâmé comme eux.

— Mon ami, lui dis-je, je ne veux ni blesser votre modestie ni vous détourner de votre but ; mais ne pensez-vous pas qu’il vaudrait mieux, et pour les autres et pour vous-même, alors que vous êtes dans toute la force de votre âge et de votre esprit, employer vos facultés et votre ardeur à quelque travail plus utile et moins aride que celui que vous m’avez laissé voir dans votre cabinet ? Bien plus, comme l’objet principal de l’homme qui veut perfectionner son esprit, est d’abord d’essayer de donner des forces à son corps, ne serait-il pas prudent pendant quelque temps de vous relâcher de votre dévouement absolu à vos livres, de prendre de l’exercice au grand air, de détendre un peu