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Hélène, que nous pouvons promettre à notre chevalier de n’être pas plus de douze. »

Je saluai et continuai ma course. Que n’eussé-je point donné pour pouvoir toucher les mains de la jeune compagne de la comtesse, seulement pendant une seconde ? Mais… et ce terrible mais me donne le frisson. Je piquai des deux et partis fièrement au galop. Le vent soufflait avec violence et, pour me garantir le visage, je courbais la tête de sorte que je ne dirigeai plus mon cheval qui était fougueux et plein d’ardeur.

Tout à coup une voix pressante me cria : « Holà ! Monsieur, holà. Au nom du ciel, ne m’écrasez pas avant dîner ; après, vous ferez ce que vous voudrez. »

Je m’arrêtai. « Ah ! lord Guloseton ! que je suis heureux de vous voir ; je vous en prie, excusez ma cécité et la stupidité de mon cheval. »

Il n’est si mauvais vent, répondit le noble gourmand, qui ne nous apporte quelque chose de bon ; voilà un excellent proverbe dont la vérité se montre tous les jours. En effet, si désagréable que soit un vent froid et pénétrant, néanmoins il n’y a pas de doute que c’est un merveilleux stimulant pour l’appétit, le plus grand bienfait des cieux. J’espère qu’en me soufflant un peu de goût pour mon sauté de foie gras, ce vent-ci pourra aussi pousser à ma table un convive qui pourra partager mon dîner et ma joie. Faites-moi l’honneur de dîner avec moi aujourd’hui.

— Dans quel salon dînerez-vous aujourd’hui, milord Lucullus ?

— Dans le salon de Diane, répondit Guloseton, car c’est elle sans doute qui a abattu le chevreuil dont lord H*** m’a envoyé un gigot que nous mangerons aujourd’hui, c’est de la vieille race de Meynell. Je ne vous invite pas à tenir compagnie à M. tel ou tel ou à lord n’importe qui, mais je veux que vous teniez compagnie à un sauté de foie gras et à un gigot de venaison.

— J’irai certainement leur présenter mes hommages ; je ne savais pas, autrefois, combien les choses sont une meilleure compagnie que les hommes. C’est Votre Seigneurie qui m’a initié à cette grande vérité.