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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/109

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des « petits bronzes » au Musée de Naples [a], étage supérieur, présentent ce qu'il y a de plus beau, car elles réunissent les trésors des villes ensevelies par le Vésuve et des fouilles de la basse Italie. (Quelques belles pièces se voient aussi aux Uffizi à Florence [b], salle 2 des Bronzes, vitrines 11-18.)

Au premier coup d'œil, ces restes n'ont rien de séduisant ou de surprenant. Rien de séduisant, car le vert-de-gris les défigure, rien de surprenant, car notre décoration moderne les imite depuis le milieu du siècle dernier, de sorte que bientôt il n'y aura pas un service de table pas une lampe de salon imitée de l'antique qui ne rappelle ces modèles. Mais qui veut étudier dans un autre intérêt que l'intérêt historique cette source de la décoration moderne, le peut sans regret à cause de sa valeur intrinsèque. On s'apercevra peut-être alors que nous imitons incomplètement et avec un mélange barbare des styles, que nous procédons tantôt avec une raideur trop architecturale, tantôt avec une fantaisie sans idée ; que c'est non une conception arrêtée, mais le seul caprice qui nous guide, sinon notre mode ne se promènerait pas du chinois au style renaissance ou rococo, etc., sans en approfondir aucun. En face de tous nos jolis riens de style baroque, les anciens se dressent grandioses avec leur sens du beau et leur intelligence droite.

Vases, chandeliers, seaux, balances, coffrets et tous les objets antiques qui ont un nom et une destination, — tout possède sa vie organique, son développement de l'état dépendant à l'état de liberté, sa tension et son expansion ; les ornements ne sont pas un jeu extérieur, mais une véritable expression de la vie interne. Les ustensiles ordinaires de cuisine et de table eux-mêmes ont dans le profil, le col, surtout les poignées et les anses, une forme et un mouvement excellents. Une collection d’anses détachées, dans une vitrine de la première salle, et quelques-unes encore aux Uffizi [c], vitrine 12 de la salle déjà citée, montrent à merveille comment les ciseleurs résolvaient, chaque fois avec un nouveau plaisir, le simple problème d'exprimer dans cette partie du vase une force et une souplesse plus grandes, et comment la transformation de l'anse en masque ou en palmette devait être, pour ainsi dire, une dernière et brillante expression de cette intention particulière de faire vivre les. choses. (Une anse d'un style très noble, ornée de feuillages, se trouve dans la même salle des Uffizi [d], vitrine 13.) Les urnes, coupes de sacrifices, et autres objets en usage dans les solennités, sont particulièrement soignées à cet égard, comme il est naturel. Si l'extérieur du vase est en grande partie décoré, on trouvera, en règle générale, que la forme et le profil des ornements suivent le mouvement de la coupe dans son renflement et sa décroissance, et servent à l'accentuer[1]. Il faut remarquer notamment le bord rabattu et simplement décoré d'une

  1. Comparer plus loin le chapitre sur les vases peints.