Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/11

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la série des siècles entre les vieilles civilisations du Mexique, de l’Égypte, de l’Asie, qui l’ont précédée, et les civilisations romaine, musulmane, chrétienne, qui l’ont suivie. Ce plan, aujourd’hui adopté, et presque banal, n’en marque pas moins, à l’heure où il fut exécuté, toute une révolution dans la manière d’écrire l’histoire. Trop de généralités sans doute, trop de considérations faciles et vagues se sont abritées à l’ombre de cette méthode : elle était juste pourtant, elle permettait de comprendre les grandes lois, les grands courants. Et si quelques doutes se sont élevés sur l’application, si de bons esprits ont craint, dans ces revues vastes et générales du passé, de perdre le sentiment de la nuance, de ce qui est proprement l’art même, si d’autres n’ont pas voulu sacrifier à un prestige de sympathie trop étendue les préférences vouées par eux à de très rares époques où il leur paraît que le goût a existé, il ne convient d’accuser que les abus faits de la méthode, mais non pas la méthode elle-même. Le mieux est peut-être pour ceux qui ne se sentent la force ni de parcourir ces immenses étendues, ni, à plus forte raison, d’y engager à leur suite des lecteurs, de faire comme Burckhardt qui, après un coup d’œil jeté sur l’empire de l’art, et la carte de toutes les provinces, a limité, oirconscrit son objet, de façon à y établir son domaine. Le choix de Burckhardt n’était pas douteux : le goût de la perfection, de l’excellence devait le ramener vers le chapitre unique, vers la Grèce, celle de Phidias, et aussi l’autre, celle que rêva et conçut la Renaissance.

Cette autre Grèce, c’est l’Italie des xve et xvie siècles ; et, du jour où Burckhardt l’eut vue, un charme le conquit Il semble que son premier voyage artistique il l’ait fait en Belgique, si j’en juge par un écrit qu’il a publié à Dusseldorf, en 1842, sous ce titre les Œuvres d’art des villes belges. Ce n’est, sauf peut-être quelques excursions au temps de sa jeunesse, que vers les années 1849-1850 que se découvrit à lui le pays sacré, « hæc est Italia diis sacra[1] ». Il devait bien souvent encore refaire ce pèlerinage[2]. Je ne saurais dire le nombre ni la date de ses voyages : mais, à part une

  1. Cette citation de Pline l’Ancien est l’exergue du Cicérone.
  2. Le Cicerone, au reste, a été écrit après un séjour en Italie de quinze mois seulement.