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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/144

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venir au marbre. En tout cas, cet original devait être d’une grande valeur, comme le prouve déjà le grand nombre de reproductions et la grâce de l’attitude. Le second exemplaire florentin a une tête presque féminine et cependant authentique.


La sœur d’Apollon lui ressemble tant pour la figure que pour le caractère principal : elle lutte contre les animaux et les criminels, et dispense aussi la lumière. L’art de la belle époque ne faisait cependant pas d’elle, comme de son frère, un idéal multiple. Il était réservé à Vénus d’être « le charme des dieux et des hommes », tandis qu’en Diane (Artemis) dominaient surtout le mouvement et l’activité. Ses statues, très nombreuses, mais presque toutes restaurées en grande partie, offrent deux types sensiblement différents.

Le premier est celui d’une vierge mûre, aux formes riches et pleines, dont le galbe et les traits se rapprochent parfois de la Vénus victorieuse. La figure est bien d’une chasseresse, mais n’a rien d’une Amazone, et les traits sont doux. Telle nous la voyons, entièrement vêtue, dans la charmante statue du Braccio Nuovo au Vatican [a]. C’est Diane (Séléné) qui se glisse avec inquiétude et précaution vers Endymion dormant ; le mouvement est le plus beau qu’on puisse imaginer. C’est une œuvre d’une invention remarquable, elle appartient à la seconde école attique. — La plupart des statues la représentent en simple tunique relevée au-dessus du genou ; elle s’avance d’un pas alerte, accompagnée d’une biche du d’un chien. Telle est la statue médiocre, mais caractéristique à cause de la tête, que nous voyons au Musée de Naples (salle 1) [b]. Parfois ses cheveux forment un nœud au-dessus du front (krobylos ?), comme nous le voyons dans les figures de chasseresses, et aussi dans celles d’Apollon combattant. Le bel effet de cette coiffure la fit adopter pour les statues de Vénus qui vinrent après celles de Cnide.

L’autre type de Diane, qui ressemble plus étroitement à celui d’ApoIlon, a dû se former dans telle œuvre où le frère et la sœur étaient représentés ou conçus ensemble, par exemple dans leur lutte commune contre les enfants de Niobé. C’est ainsi que l’Apollon du Belvédère a comme pendant parfait la Diane de Versailles (au Louvre) ; elle répond à son frère de telle sorte qu’on ne peut guère douter qu’ils n’aient formé un groupe. Outre des proportions très sveltes, la déesse a de commun avec lui l’expression de colère qui donne à cette petite tête de femme un air de dédain et de dureté un peu outrée. Son mouvement, qui n’est pas impétuosité humaine, mais irrésistible, divin, montre qu’elle vole au combat ou à la chasse, tandis qu’Apollon disperse les ennemis. Parmi les collections italiennes, le Musée de Naples (salle 2 des Bronzes) renferme le torse d’une Diane [c] qui faisait pendant à l’Apollon courant qu’on voit au même endroit (p. 90 b), et qui rappelle aussi beaucoup la statue du Louvre.