Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/70

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en forme de carré long. Des ruines qui subsistent encore, nous ne mentionnerons que celles qui ont un intérêt artistique.

L’édifice de beaucoup le plus noble en ce genre est le Temple de Mars Utor [a] qu’Auguste éleva à l’extrémité de son Forum[1], après sa victoire sur Antoine. Les murs n’étaient pas de brique, mais de grands blocs de travertin revêtus de marbre ; la base et les premières assises existent encore. Les trois colonnes qui restent ne sont heureusement pas en granit, mais en marbre, et leurs cannelures offrent des modèles du genre ; les chapiteaux, bien que dépouillés de feuillage, sont encore d’une beauté surprenante. De l’entablement il ne reste que l’architrave, la plus belle de tous les monuments romains, qu’on a bien fait de ne pas orner à la partie inférieure. Le plafond du portique, vu de l’intérieur, est incomparable ; ses traverses sont simplement ornées en méandres, et, par contre, ses caissons ont des creux profonds où s’épanouissent de grandes rosaces.

Nous trouvons ensuite les trois colonnes du Forum [b] attribuées autrefois au temple de Jupiter Stator, et aujourd’hui à celui de Castor et Pollux. Les chapiteaux sont toujours beaux, mais ils ne sont plus pénétrée d’une vie aussi expressive que ceux dont nous avons parlé ; la partie inférieure de l’architrave est déjà très ornée et la bande du milieu porte un rang de feuilles. Le sommet de l’entablement, au contraire, est tout à fait digne de sa réputation.

Les trois colonnes élevées sur la pente du Capitole [c], et qui formaient un coin du Temple de Vespasien[2], sont d’un style trop pur pour dater de la restauration de Septime-Sévère. Les chapiteaux sont encore très beaux, mais un feuillage orne l’abaque, dont le rôle cependant n’exige et ne supporte qu’une simple ligne. À la façade, la structure de l’entablement est sacrifiée, comme dans plusieurs édifices des empereurs, à une grande inscription, de laquelle les architectes modernes croyaient pouvoir s’autoriser pour justifier les imitations qu’ils en ont faites. Entre les colonnes, à cause de la pente, on a disposé des marches qui ont l’apparence d’un piédestal.

Bien plus bas s’élève le temple qui fut dédié autrefois à la sœur de Trajan, Marciana, ou à Antonin le Pieux, et qu’on appelle aussi Temple de Neptune [d] ; c’est actuellement la Dogana di terra : sur la Piazza Pietra. L’architrave n’a que deux parties ; la frise est convexe, l’intervalle entre les deux très lourd, la partie inférieure de l’architrave couverte d’ornements insignifiants. (La corniche supérieure semble avoir été retouchée à l’époque moderne ; nous ne pouvons donc en juger. L’aspect des onze colonnes qui s’élèvent sur les côtés montre bien le renflement des colonnades romaines. Le soubassement doit avoir été très haut, car il sort encore de terre.)

  1. Au bas et à l’est du mont Capitolia. (N. du Tr.)
  2. Ce temple, élevé sous Titus, fut appelé d’abord Temple de Jupiter ou de Saturne.