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ÉGLISES À CONSTRUCTION CENTRALE.

expressif encore qu’il ne l’est à présent[1]. Pour la richesse et l’éclat de la perspective, peu d’édifices pourraient être comparés à celui-ci. C’est peut-être une des architectures intérieures les plus belles qu’il y ait au monde, malgré le peu d’effet que produisent aujourd’hui les formes isolées et malgré les pendentifs, par exemple, qui appartiennent à ce que le baroque a de plus hideux. L’apparance extérieure est celle d’un carré dont les quatre angles ont la forme de tours.

L’édifice de beaucoup le plus important en ce genre est le célèbre octogone de S. Vitale [a] à Ravenne, qui, construit dans les derniers temps de la domination des Ostrogoths, n’a reçu son ornementation qu’au milieu de VIe siècle, en commencement de la domination byzantine. S. Vitale offre une parenté avec les églises centrales de l’Orient : il a un pourtour inférieur et une galèrie supérieure. Les côtés de l’octogone central ont la forme d’exèdres portées par deux colonnes ; la coupole, construite en matériaux creux (amphores), pour plus de legèreté, est malheureusement déparée par des ornements en stuc ; bâtie comme annexe spéciale, la tribune coupe transversalement le pourtour ; les murs extérieurs sont lisses, et le portique actuel est probablement le même qu’autrefois, comme des recherches récentes tendent à le prouver. L’effet est riche, mais sans gravité ; pour étendre la perspective apparente, on a disposé les colonnes en retrait, procédé que nous ne retrouvons que dans le style baroque du XVIIe siècle. La partie inférieure des murs et le sol sont ou de moins étaient incrustés de matières précieuses[2].

Un reflet de l’architecture centrale byzantine se retrouve encore dans l’église de S. Fosca [b] à Torcello, près de Venise ; aujourd’hui même l’architecture doit y remarquer les motifs d’aménagement de l’intérieur. — Les petites églises un peu anciennes de Venise même présentent de curieuses hésitations entre les deux systèmes ; leur forme est celle d’une basilique écourtée avec une coupole au-dessus de la croix ; S. Giacometto

  1. L’église actuelle a déjà été restaurée en XIe siècle mais d’après le plan primitif ; les chapiteaux corinthiens ont été utilisés comme bases. Une nouvelle reconstruction, également d’après le plan primitif, fut exécutée vers 1573, sous Charles Borromée, par Martino Bossi. Des trois annexes, S. Sisto (à gauche) a été peut-être ajouté plus tard comme baptistère chrétien ; S. Aquilino (à droite) est sans doute une partie de la construction primitive, si l’on en juge par le riche encadrement des portes ; S. Ippolito (derrière), enfin appartient en partie au plan primitif et l’exécution même dete peut-être de ce temps. Les colonnes angulaires sont en partie corinthiennes, en partie composites ; selon une alternance qui se retrouve dans les thermes de Dioclétien. Il serait même possible d’attribuer à tout l’édifice une date plus ancienne, à en juger par le travail excellent des chapiteaux corinthiens et par le Bacchante nue à cheval sur un bélier dans la magnifique décoration de l’encadrement de la porte (côté gauche). Sous Galla Placidia une telle liberté en pareil lieu n’eût plus été soufferte.
  2. Il existe encore des restes d’ornements en stuc de l’ancien art chrétien dans l’un des espaces triangulaires situés entre l’octogone et le vestibule, ainsi que des vestiges de belles incrustations de marbre dans la partie septentrionale du pourtour et au rez-de-chaussée.