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ORNEMENTATION DES ÉGLISES.

gissait d’orner, tandis que le reste était revêtu de marbre jaune, vert ou blanc. Les mosaïques, dont la vogue s’était entre temps fors répandue, y mêlaient leurs pâtes de verre et surtout leur or ; la pierre pourtant près dominait toujours à Rome, et la décoration en fut dès l’origine très différente du style sarrasin ou mauresque qui resta essentiellement borné aux pâtes de verre. Il en fut de même, comme nous le verrons plus tard, dans la basse Italie.

Les objets auxquels s’applique cette ornementation sont les pavés, les jambages des portes, les trônes épiscopaux, les ambons (analogia), les barrières, les encadrements des stalles, les autels et les cierges de briques en forme de colonnes[1]. L’art, devenu impuissant pour la sculpture et l’ornementation plastique, ne recherche plus guère que le jeu agréable des lignes mathématiques et l’alternance bariolée des surfaces. Quelques-uns de ses fragments datent des premiers temps du moyen âge, mais nous ne sommes pas à même de les distinguer de ceux du XIIe et du XIIIe siècle où se trouvent les plus importants. C’est alors en effet que se signale à Rome, en ce genre de travaux, la famille des Cosmates (Laurent, Jacques et Jean, etc) ; les premiers, ils étudièrent de nouveau les monuments de l’antiquité et en tirèrent ce qui leur était nécessaire pour les profils des encadrements, des bordures, des corniches, etc. Ce petit commencement de Renaissance, bien qu’il n’ait pas affecté l’architecture en général, est pourtant d’une impression agréable.

Toutes les églises un peu anciennes et même quelques-unes qui, a d’autres égards, sont modernisées, renferment au moins dans le chœur un peu de ce dallage indestructible en pierres dures (S. Cesilia, S. Alessio, S. Crisogeno, SS. Giovanni e Paolo, S. Gregorio, S. Prasseile [a] et beaucoup d’autres). Les plus riches ont une date plus au moins certaine ; tous sont d’une époque déjà relativement moderne : celui de S. Maria in Cosmedia [b] vers 1120, le magnifique dallage de S. Maria Maggiore [c]] vers 1150, celui de S. Maria in Trastevere [d] un peu antérieur, le dallage très riche du portique de S. Lorenzo fuori le mura [e] n’est peut-être que de 1220. Semblables dans le détail ana dessins de tapisseries, mais composés autrement dans l’ensemble, ils témoignent de l’importance que l’Église a attachée de tous temps à la beauté des pavés. À une date où l’art s’en tient encore aux matériaux, et ne sait plus ou ne sait pas encore créer la forme éternelle du beau, lorsqu’il était réduit à employer l’or, les tissus somptueux et les mosaïques pour produire l’impression du sacré et du surnaturel, le pavé, symbole du sanctuaire et théâtre des plus saintes cérémonies, devait avoir son ornementation propre qui le distinguait de l’extérieur profane.

En dehors de Rome, nous trouvons encore un superbe pavé en mo-

  1. À Rome l’ornementation en plastique antérieure au XIIe siècle est extrêmement barbare et de même plus tard, sauf les œuvres des Cosmates.