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CATHÉDRALE DE FIESOLE ET DE PISE.

d’une belle place, ce beau marbre blanc à incrustations noires et d’autres couleurs, l’intention bien marquée de créer un joyau achevé, la perfection égale du monument et des somptueux édifices qui l’entourent, tout cet ensemble produit déjà une grande impression ; peu d’églises réunissent ces conditions premières. Mais en outre, l’art fait ici un grand pas. C’est la première fois depuis les Romains qu’il cherche à donner à l’extérieur un organisme qui ait de la vie, et qui s’accorde harmonieusement avec l’intérieur ; la façade est graduée et nuancée avec un soin scrupuleux. Au rez-de-chaussée, des colonnes murales avec archivoltes ; aux étages supérieurs, des galeries à jour, d’abord assez longues, et qui se rétrécissent ensuite pour correspondre à la nef centrale et au faîte. L’artiste sait de plus que les colonnes murales appartiennent dès lors à un organisme tout nouveau, et il ne les galbe presque plus comme l’avait fait par erreur l’architecte de S. Micchele à Lucques. Sur les côtés, la forme la plus simple, c’est-à-dire des pilastres corniers avec arcs surmontés d’une seconde rangée plus petite à entablements droits, n’est conservée que pour les parties inférieures des nefs, tandis que la forme, la plus riche et la plus légère, colonnes murales avec arcs, est réservée aux parties supérieures. Il n’est pas impossible que les églises de l’Orient aient présenté quelques-uns de ses éléments isolés ; mais c’est bien à Pise que pour la première fois on les a réunis en un tout harmonieux. De la place qui est derrière le chœur, on remarque une autre grande innovation ; après s’être pendant des siècles perdue dans le détail, l’architecture est revenue au véritable sentiment de la composition de l’ensemble ; les grandes lignes dominantes nous montrent unies la simplicité et la richesse. Des absides pratiquées dans les transepts un peu surhaussés, le regard s’élève vers le faîte de la nef principale et de la coupole ; l’abside du chœur avec ses galeries termine avec éclat la nef du milieu.

À l’intérieur, la cathédrale est une basilique à cinq nefs reposant sur des colonnes, toutes antiques (on ne peut se prononcer sur l’âge des chapiteaux à cause des retouches au plâtre). Elle a donc à vaincre les mêmes obstacles qui arrêtèrent les basiliques romaines. Mais un esprit nouveau a soumis ici la matière, et en a tiré un monument svelte et élancé. D’après le style romain, trois nefs auraient suffi pour cette largeur : ici il y a cinq nefs étroites dont quatre voûtées. La seconde rangée de colonnes était plus basse : l’inégalité a été corrigée par l’exhaussement des arcs. Au lieu des murs supérieurs et d’une ornementation en mosaïque, c’est une belle galerie aérienne de piliers (qui représentent pour ainsi dire le mur) et d’arcs soutenus au centre par des colonnes. Quelques basiliques romaines déjà ont des étages supérieurs ; les Byzantins aussi aimaient ces galeries supérieures, mais elles n’avaient pas ce dessin léger qui convenait à leur situation élevée. Ici de même, pour la première fois dans une basilique, le transept est à trois nefs. L’effet