ries courent transversalement, montent et descendent sur le rebord du toit, les contreforts sont formés par des colonnes plaquées dont les chapiteaux d’ordinaire n’ont rien à porter ; des arcs, des colonnettes, des sculptures souvent sans la moindre raison d’être, remplissent l’espace tant bien que mal. Le portail est souvent très somptueux ; tantôt c’est le style du Nord qui a présidé à sa division par rangées de colonnes obliquement rentrantes ; tantôt c’est le style du Midi avec un porche avancé à deux colonnes reposant généralement sur des lions ; parfois aussi les deux styles sont réunis. Sur les autres côtés extérieurs aussi, s’étale une ornementation plus arbitraire que dans les meilleures églises du Nord. Au-dessus du croisement des bras de la croix s’élève, autant que possible, une coupole octogone avec galeries circulaires, et un toit bas en forme de tente ; ce sera désormais l’élément dominant, et plus tard, malgré toutes les variations des styles, jusqu’à l’époque même du baroque, dans la Haute-Italie, c’est cette forme de la coupole qui, du dehors et dès le premier regard, donnera aux villes leur cachet et une partie de leur beauté.
L’intérieur de l’église a ici, plus que dans le Nord et en Toscane, subi d’impitoyables remaniements. Tandis que la façade promet le plus pur style moyen âge, dès l’entrée, une déception nous attend : l’église est presque toujours reconstruite dans le style baroque. Le respect historique qui depuis le XVIe siècle a sauvé mainte église de la Toscane comme œuvre d’artistes indigènes, n’est plus le même pour des édifices considérés comme les œuvres d’un style barbare violemment imposé[1].
Il faut nommer d’abord l’église trop célèbre de S. Michele [a] à Pavie, parce que l’âge qu’on lui supposait (on la faisait dater du temps des rois longobards) permit de croire que la Haute-Italie avait dans ce style une priorité qu’elle n’a pas. Tout l’édifice actuel, qui s’est assez bien conservé, même à l’intérieur, date des dernières années du XIe siècle. La façade est particulièrement dépourvue d’expression. — Celle de l’église des Augustins [b] est postérieure et un peu plus vivante.
Saint-Ambroisie [c] à Milan, vu de l’atrium voûté (p. 3 E), offre un coup d’œil remarquable avec ses portiques inférieur et supérieur, mais l’intérieur ne répond nullement à sa renommée classique et historique. De bonne heure on y a procédé à des reconstructions maladroites ; sous sa forme actuelle, l’église restaurée récemment date du XIIe siècle ; elle est peu éclairée. Elle possède un certain nombre d’antiquités importantes ;
- ↑ On a peine à croire quels préjugés conservent encore les Italiens, même les plus instruits, à l’égard de la « maniera gotica » et des prétendues « destructions par les barbares » (voy. t. I. p. 20). Il y a des choses qu’ils considèrent comme barbares et qui sont la plus belle expression de leur propre esprit municipal au moyen âge ; là, en revanche, ou l’on prend parti pour le style gothique, comme par exemple à Milan, on le fait de telle sorte qu’il vaudrait mieux s’en dispenser. Il faut cependant savoir reconnaître que, dans la récente restauration des églises romanes (S. Ambrogio, S. Eufemia, S. Babila, à Milan) : le style ancien a été rétabli avec science et avec goût.