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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 2e partie, trad. Gérard, 1892.djvu/199

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ARCHITECTURE GOTHIQUE.

larité d’intervalles des piliers dans tout le chœur ? A-t-on peut-être, par endroits, eu trop d’êgards à la nature rocheuse du sol ? Qu’est-ce qui existait de l’église inférieure de S. Giovanni, quand fut commencé le chœur supérieur ? — Quoi qu’il en soit, tout l’édifice porte la marque du style italien, dans sa beauté et dans son charme. Tel est surtout le cas pour les parois extérieures des nefs latérales : la proportion entre les fenêtres et les murs (qu’ignore la logique du gothique septentrional) est ici du meilleur effet ; les contreforts, d’une saillie modérée, se terminent, non pas en pinacles, mais en statues ; le marbre noir, en n’alternant que discrètement avec les assises blanches, laisse toute leur valeur aux délicates membrures, et la corniche garde toute sa valeur (XIVe siècle). — La façade, malgré les variations d’axes, avec son luxe majestueux, a toute l’exubérante énergie de Giovanni Pisano (qui, depuis 1284 architecte en chef de la cathédrale, créa du moins le modèle). Aussi, quelques années plus tard, l’architecte de la cathédrale d’Orvieto, avec plus de calme et d’élégance dans les lignes, dut-il renoncer à atteindre cette puissance dans les reliefs et cette énergie dans les contrastes. Le détail d’ailleurs est d’une forme où la tradition reste assez pure. (Fortes restaurations.)

À l’intérieur, l’alternance des deux couleurs de marbres, blancs et noirs, bien qu’elle soit plus discrète dans le chœur, d’une date plus récente, détruit en partie l’effet architectural. Les médaillons des papes (vers 1400), placés en guise de consoles sous la corniche, étaient peut-être un expédient, assez malheureux d’ailleurs, auquel l’architecte eut recours quand il s’aperçut qu’à côté de ces alternances de blanc et de noir la seule corniche la plus énergique sauterait aux yeux. Considérés en eux-mêmes. Les piliers, avec leurs demi-colonnes (XIIIe siècle) sont bien dessinés et légers ; l’espace est agréablement distribué, à l’exception de la coupole qui est inexplicable.

Cet édifice pourtant n’était pour Sienne qu’un apprentissage. On pensait mettre tout autrement à profit l’expérience acquise, quand, en 1340, fut commencée la nouvelle construction, colossale église longitudinale à trois nefs, où l’ancien édifice ne devait former que le transept. (Le plan de cette nouvelle construction se trouve dans l’Opéra). Cette nouvelle cathédrale, commencée par le maestro Lando, eût été de beaucoup le plus bel édifice gothique de l’Italie et une merveille du monde. Nulle part il n’y eut plus belle ordonnance d’espaces que dans les quelques travées achevées de cette ruine ; la sveltesse des piliers, la courbure largo et légère de leurs pleins cintres, obtenue, il est vrai, au prix de tirants de fer, et la noblesse de la décoration rejettent dans l’ombre l’ancienne cathédrale. L’an 1357, les travaux cessèrent par suite de certaines défectuosités, de la grandeur des dépenses et surtout des ravages de la peste (1348) ; cependant l’ornementation de la fenêtre ronde antérieure prouve qu’on les reprit encore une fois au XVe siècle. Des maîtres