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ARCHITECTURE GOTHIQUE.

Cette ordonnance à trois frontons se retrouvait jadis comme un écho affaibli dans la façade de la cathédrale [a] de Naples (1299) ; les frontons latéraux sont aujourd’hui unis, à l’aide d’arcs-boutants, à la paroi supérieure de la nef centrale, et l’effet en est choquant. Les sculptures des frontons sont, de plus, en partie modernisées. À l’intérieur, des piliers, avec colonnes antiques enchâssées deux par deux, l’une au-dessus de l’autre, au dedans du pilier ; — un plafond droit.


L’architecture italienne, cependant, fit un grand pas lorsque le faisceau de colonnes, auquel elle n’avait jamais pu donner l’expression qu’il a dans le Nord, céda la place au pilier carré, octogonal ou rond. La première de ces formes est sans contredit la plus belle et la plus riche, mais la dernière est la plus vraie pour le cas qui nous occupe. Le faisceau de colonnes est dans un rapport étroit avec les formes légères et resserrées, propres au gothique du Nord ; il ne correspond pas seulement à tel ou tel nombre d’arcs et de nervures de voûte (conservées en partie), mais il exprime essentiellement le mouvement ascensionnel, l’essor. Il s’ensuit que, si l’essor n’est pas le principe maître d’un style, le faisceau de colonnes disparaît devant le pilier. Ce dernier toutefois exprime encore, par les parties polygonales dans les angles rentrants, les différences de charge qu’il doit supporter. Au lieu d’un chapiteau proprement dit, ce sont dès lors tout simplement deux ou trois rangées de feuilles qui se posent à l’extrémité supérieure du pilier, de quatre ou de huit côtés, ou en cercle si le pilier est rond mais c’est surtout la base qui, pour la première fois, prend une forme logique.

Il n’y a ici, dans cette nouvelle tendance, ni développement historique propre, ni expression de différences provinciales ; l’emploi même de matériaux différents ne produit pas de différences essentielles dans le style. Les monuments remarquables en ce genre sont ou des cathédrales, ou des églises de couvents, avec les différentes exigées par la diversité de destination. Le mouvement partit en Italie des ordres mendiants, d’abord des Franciscains, et plus tard surtout des Dominicains, dont les frères étaient souvent des architectes de mérite.

Ce développement d’ailleurs se restreint surtout à la haute Italie, à la Toscane ou aux régions qui en dépendaient. Des deux côtés le début en est à peu près à la même époque, vers le milieu du XIIIe siècle. Comme, vers le même temps la plastique italienne recut sa première impulsion de Nicolo Pisano, la tradition, et Vasari séduit par elle, ont rattaché à ce seul nom l’essor donné en Italie à ce nouveau développement de l’architecture, et la création d’un certain nombre de monuments remarquables dans les lieux les plus différents. Pourtant nul document ne permet d’attribuer réellement à Niccolò un seul de ces ouvrages ; et les différences qui les séparent concourent à rendre cette attribution plus que douteuse, surtout en ce qui concerne les édifices de la haute Italie.