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VITONI. — CRONACA.

que nous avons souvent cité déjà. L’achèvement du Pal. Strozzi [a] par la belle corniche, imitée dans de plus grandes dimensions d’un fragment trouvé à Rome, fut, à deux égards, un véritable événement. D’abord à l’égard de la forme pour la première fois, l’imitation du modèle romain fut complète et scrupuleuse. Ensuite à l’égard des proportions jusqu’alors il y avait eu hésitation ; la corniche en couronne devait-elle être seulement en proportion avec l’étage supérieur, ou bien avec tout l’édifice ? Nombre de palais florentins avaient remplacé la corniche par un toit en saillie avec chevrons superposés terminés en consoles. La corniche était ainsi reconnue inutile. Avec le palais Strozzi fut établi un modèle dont l’effet grandiose et salutaire dut s’imposer à tous les yeux. Ici le rapport de la corniche à la hauteur et à la forme de l’édifice est en lui-même purement arbitraire, car la corniche provient d’un ensemble tout différent, à savoir de quelque ancienne colonnade romaine certainement beaucoup moins élevée que le palais Strozzi ; pourtant sur cette surface murale l’effet est d’une grande beauté et d’une parfaite justesse.

Mais Cronaca a montré le même sentiment très fin dans des constructions d’un autre genre. C’est ainsi, par exemple, que le Pal. Guadagni [b] (Piazza S. Spirito, no 11), qui ne devait être qu’une imposante maison florentine, eut ce même caractère de pureté et d’achèvement. La pierre de taille n’est employée que pour le rez-de-chaussée, les angles et les encadrements des fenêtres ; la gradation des étages est heureusement exécutée avec des ressources modestes, l’étage supérieur est une loggia ouverte dont les colonnes supportent le toit à forte saillie. — La cour est d’un bon style, dans la manière de Giul. da Sangallo ; l’escalier montre déjà l’organisme plus sévère auquel Baccio d’Agnolo doit donner son plein développement. — Cronaca ne se montre pas moins expressif dans l’église S. Francesco (ou S. Salvatore) al Monte [c] (devant la Porta S. Miniato), que Michel-Ange nommait « la belle villageoise ». C’est la plus simple des églises d’ordres mendiants ; la charpente en est apparente jusque dans le chœur des pilastres unis séparent en bas les chapelles, et en haut les surfaces murales qui entourent les fenêtres ; mais c’est justement ce manque absolu d’ornements qui fait ressortir avec plus de force la pureté des proportions. — Je ne saurais dire si le cloître antérieur et la sacristie appartiennent également à la reconstruction du couvent de l’Annunziata attribuée à ce maître ; ni l’un ni l’autre ne contiennent aucune forme qui ne se rencontre déjà depuis Michelozzo.

Au nombre des plus beaux édifices sacrés de moindre grandeur à Florence, il faut citer la sacristie de S. Spirito [d], qui est un bijou exquis. Octogone, avec des niches en bas et des murs encadrés de pilastres (par malheur, les angles restent libres, ordonnance vacillante qui laisse les nervures s’échapper de l’espace vide) ; des fenêtres carrées aux murs supérieurs, des fenêtres rondes dans les lunettes au-dessus desquelles commencent les triangles de la coupole. À la sacristie est adossé le charmant cou-