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PREMIÈRE RENAISSANCE.

en ce genre, de luxe et d’éclat, avec les styles précédents : Scuola di S. Teodoro [a] ; — Scuola del Carmine [b], etc.

Avant d’aborder les palais, citons encore ici quelques autres édifices profanes qui servent à déterminer le caractère de l’architecture vénitienne à cette époque.

La première Renaissance avait en général recherché une impression riante jusque dans ses constructions militaires. Il en est de même ici pour la porte de l’Arsenal [c] (1460). À remarquer surtout les feuilles des chapiteaux, qui sont encore de forme presque byzantine. De 1496 à 1517, Pietro Lombardo construisit sur la place Saint-Marc le premier et le second étage, Guglielmo Bergamesco, sous la direction de Bartolommeo Buon le jeune, le troisième étage des « anciennes Procurazies », demeure officielle et bureaux des procurateurs de S.Marco [d]. L’aménagement intérieur n’est guère reconnaissable aujourd’hui ; mais la comparaison de ce bâtiment avec les Offices de Florence, d’un style si sévère, construits près de 80 ans plus tard dans le même but, montre la différence des temps. Sans luxe, sans ornementation plastique, accentuant simplement la ligne horizontale par des galeries de différents ordres, les Vieilles Procurazies donnent pourtant l’idée d’une vie heureuse et brillante. — En 1525, le même Guglielmo construisit au Rialto, pour une corporation, le Palazzo de’ Camerlingini [e], aujourd’hui cour d’appel, dans le style brillant, mais un peu vide, des palais privés. — Le Fondaco de’ Tedeschi [f], situé vis-à-vis (aujourd’hui la Dogana), et attribue à Fra Giocondo da Verona, mais construit en 1506 d’après le modèle de l’Allemand Girolamo, n’est, il est vrai, qu’un grand marché, sans luxe plastique, un simple comptoir avec une cour sur piliers à plusieurs étages ; mais le Titien et ses élèves couvrirent les murs extérieurs de leurs peintures, et, bien conservé, ce Fondaco serait un des premiers monuments de l’Italie. Malheureusement toute cette parure pittoresque est perdue, jusqu’aux dernières traces qui restaient encore du côté de la rue. — Les Fabbriche Vecchie [g] (également au Rialto) ont été construites par Scarpagnino[1], en 1520, dans ce même style de bureaux municipaux et de halle aux marchandises ; plus tard, en 1555, Jac. Sansovino y ajoute les Fabbriche Nuove [h], d’un style un peu plus riche, avec revêtement de plusieurs ordres de pilastres. Ces édifices, malgré leur simplicité voulue, donnent pourtant une impression imposante de l’ancienne Venise.


C’est au moment même de son apogée (à partir de 1500) que la Renaissance vénitienne est la mission d’orner avec le plus d’éclat imaginable la grande cour du Palais des Doges [i]. Ce fut l’œuvre d’une succession de maîtres, depuis Antonio Rizzo ou Bregno (1483-1490) jusqu’à Antonio Scarpagnino (1545-50). Sur deux des côtés, le rez-de-chaussée

  1. Au mépris, comme l’assure Vasari, d’un plan incomparablement plus beau de Fra Giocondo.