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PREMIÈRE RENAISSANCE.

bliée), a, jusque de nos jours, rendu de tout autres services. Au temps de Maratta, et sous la direction des Cristofari, c’est elle qui a reproduit les plus grands tableaux d’autel modernes, tout en gardant l’impression des originaux. (Autels de Saint-Pierre [a].)

La transition de la décoration plastique à la décoration peinte est formée par les majoliques et en général les ustensiles en faïence de la fin du XVe siècle et du commencement du XVIe, exécutées dans les fabriques de Venise, Caffagiolo, Faenza, Deruta, Gubbio, Pesaro, Urbino, et, pendant la seconde moitié du XVIe siècle surtout à Urbino et à Castel Durante, dans le duché d’Urbino. Le plus grand nombre, d’ailleurs, se trouvent aujourd’hui à l’étranger (collections de Londres, Berlin, Paris, Brunswick, etc.) En Italie, cependant, il y a encore quelques bons travaux de ce genre au Musée de Naples [b] (seconde salle des Terres cuites), à la Villa Albani [c], près de Rome (salle du Billard), au Palais archiépiscopal [d] de Loreto (objets provenant de l’ancienne pharmacie), au Musée national du Bargello [e] à Florence, au Musée d’Arezzo [f] ; à l’Hôtel de ville de Pesaro [g], au Museo Civico [h] de Bologne, au Musée Correr [i] à Venise, etc.

Les peintres de majoliques se bornaient presque aux couleurs des Robbia (v. p. 146), jaune, vert, bleu, violet, rouge brun, et ils leur faisaient traduire les ornements ou les scènes dont une grande partie étaient exécutées d’après les compositions de l’école romaine, de Raphaël lui-même, en sorte que la légende n’a pas manqué de représenter Raphaël comme un peintre de faïences. (Un des artistes d’Urbino qui travaillaient en ce genre s’appelait Raffaele Ciarta, ce qui explique l’erreur commise plus tard.) Giov. Batt. Franco a fourni de même beaucoup de dessins. À notre avis, au reste, les parties peintes ont beaucoup moins d’importance que l’ornementation elle-même, et la composition plastique, si hardie, avec pieds d’animaux, guirlandes de fruits, profils de coquillages, etc. Le choix limité des couleurs était évidemment un heureux obstacle qui a favorisé le développement d’un style déterminé et sûr. Le XVIe siècle avancé, il est vrai, se trahit déjà dans quelques formes baroques ; mais dans l’ensemble, et particulièrement dans les œuvres les plus anciennes, l’ornementation est encore parmi les meilleures de l’époque (surtout l’ornementation fine et délicate sur fond blanc).

Qu’est-ce donc qui donne à cette simple vaisselle une telle valeur ? La fabrication moderne est singulièrement plus nette et plus raffinées. C’est que précisément les majoliques, loin d’être un objet de fabrique, sont un travail à la main, d’un temps où le sentiment de la forme était universellement répandu ; dans chaque fragment il y a une étincelle d’effort personnel, d’énergie humaine. Et de plus ce sont de vrais ustensiles. L’écritoire (il y en a de fort belles) ne cherche pas à imiter un autel, la boîte au beurre ne vise pas au style des tombeaux.