Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

York), non, il n’y en a pas un qui soit moitié aussi beau que lui. Tout le monde le regarde quand il a son habit de velours noir, taillé dans la vieille robe de madame. Avec ses cheveux bouclés, il a l’air d’un jeune lord. »

Cédric ne se demandait pas s’il ressemblait à un jeune lord ; d’abord il ne savait pas ce que c’était qu’un lord. Son plus grand ami était l’épicier du coin, le revêche épicier, qui n’était pas du tout revêche pour lui. Cédric le respectait et l’admirait beaucoup ; il le regardait comme un très riche et très puissant personnage. Il s’entassait tant de choses dans sa boutique : des pruneaux, des figues, des oranges, des biscuits ! De plus, il avait un cheval et une voiture pour porter ses marchandises. Cédric aimait bien aussi la laitière et le boulanger, ainsi que la marchande de pommes ; mais M. Hobbes l’emportait sur eux. Cédric et lui étaient dans de tels termes d’intimité que le petit garçon allait voir l’épicier tous les jours et restait longtemps assis dans la boutique, discutant la question du moment. M. Hobbes lisait les journaux avec assiduité et tenait Cédric au « courant des affaires ». Il lui disait si le Président « faisait son devoir ou non ».

C’est peu de temps après une élection qui les avait fort occupés, qu’un événement tout à fait inattendu apporta un changement extraordinaire dans la vie de Cédric, alors âgé d’un peu plus de huit ans.

Une chose à observer encore, c’est que cet événement arriva le jour même où M. Hobbes, parlant de l’Angleterre et de la reine, avait dit des choses très sévères sur l’aristocratie, s’élevant principalement contre les comtes et les marquis.