Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/204

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La vérité était que Mme Errol avait fait beaucoup de tristes découvertes dans le cours de ses visites au village, qui paraissait si pittoresque, vu du haut de la colline, — Les choses ne sont pas si pittoresques vues de près que vues à distance. — Elle avait trouvé paresse, pauvreté et ignorance où il y aurait dû avoir confort et industrie, et elle avait été forcée de reconnaître que Dorincourt était le plus misérable village de toute cette partie de la contrée. M. Mordaunt lui avait fait part de toutes les difficultés qu’il avait rencontrées et de ses découragements. Elle avait trouvé elle-même beaucoup d’obstacles au bien qu’elle voulait faire. Les agents qui régissaient les propriétés avaient toujours été choisis pour plaire au comte, et ne s’étaient jamais occupés de la dégradation physique et morale où étaient descendus les malheureux tenanciers de leur maître. Les choses étaient allées ainsi de mal en pis, et arrivées à un point où on ne pouvait plus y remédier que par des mesures tout à fait radicales.

L’Impasse, principalement, avec ses maisons à demi ruinées et ses habitants négligents, insouciants et maladifs, présentait le spectacle le plus lamentable. Quand Mme Errol s’y rendit pour la première fois, elle ne put s’empêcher de frémir. En voyant les enfants déguenillés, presque abandonnés par des parents adonnés au vice et à la paresse, elle les comparait, dans son esprit, à son propre petit garçon, élevé par elle avec tant de soin, et qui vivait maintenant dans un magnifique château, gardé et servi comme un jeune prince, ne pouvant former un désir qui ne fût satisfait et ne connaissant rien que le luxe, la joie et le bonheur ; alors une pensée naquit dans ce