Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/232

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Les veines du front du comte, gonflées de plus en plus, ressemblaient à des cordes rouges ; on aurait dit qu’elles allaient se briser. Des gouttes de sueur perlaient au-dessous de ses sourcils ; il les essuya avec son mouchoir. L’expression d’amertume peinte sur ses traits avait encore augmenté et était devenue poignante.

« Et j’ai refusé de reconnaître l’autre, la mère de cet enfant ! s’écria-t-il, désignant du geste le petit garçon endormi ; j’ai refusé de la reconnaître pour ma belle-fille ! J’ai refusé de la voir ! Elle sait signer son nom, elle !… C’est mon châtiment ! »

Il se leva de son fauteuil et se mit à marcher de long en large dans la chambre. Des paroles de colère s’échappaient de ses lèvres. Il semblait secoué par ses sentiments intérieurs comme un vieil arbre par la tempête ; il était terrible à voir ; néanmoins M. Havisam remarqua que, quoique la rage semblât chez lui portée à son comble, il contenait les éclats de sa voix de manière à ne pas troubler le sommeil de l’enfant, qui continuait à reposer paisiblement sur le sofa.

Il fit questions sur questions à M. Havisam, au sujet de la femme et des preuves qu’elle pouvait fournir de son mariage avec son fils Bévis, arpentant toujours la chambre et passant tour à tour du blanc au rouge et du rouge au blanc.

Il s’avança lentement vers le sofa, s’arrêta, et regardant de nouveau Cédric :

« Si quelqu’un m’avait dit que je m’attacherais jamais à un enfant, murmura-t-il d’une voix basse et indistincte, je ne l’aurais jamais cru. Je n’ai jamais aimé les enfants, pas plus