Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

versations sur les événements de la Révolution et sur les élections du dernier président, qu’il n’est pas étonnant que son départ eût laissé un grand vide dans la boutique de l’épicier.

Ce vide ne se fit pas sentir tout de suite ; il ne semblait pas à M. Hobbes que l’enfant fût parti si loin ; il s’imaginait que Cédric allait revenir ; qu’un beau matin, en levant les yeux de dessus son journal, il le verrait dans l’ouverture de la porte, avec son costume blanc et ses bas rouges, son chapeau de paille rejeté en arrière, et qu’il l’entendrait lui crier de sa petite voix joyeuse : « Bonjour, monsieur Hobbes ! Il fait chaud aujourd’hui, n’est-il pas vrai ? »

Mais les jours passaient, et l’apparition ne se montrait pas ; aussi M. Hobbes se sentait de plus en plus triste et isolé. Il ne jouissait même plus autant de ses journaux que par le passé. Il posait la feuille sur son genou, quand il l’avait lue, et fixait les yeux d’un air abattu sur le haut tabouret où Cédric s’asseyait autrefois. Il y avait sur les pieds certaines marques qui rendaient l’épicier tout à fait mélancolique. Elles avaient été laissées par les talons du futur comte de Dorincourt, qui, tout en causant, accentuait ses discours à sa manière, ou plutôt à la manière des enfants, qu’ils soient comtes ou non, en donnant des coups de pied dans son tabouret. Après avoir contemplé ces marques pendant un certain temps, M. Hobbes tirait sa montre, sa belle montre d’or, l’ouvrait et lisait avec un plaisir toujours nouveau l’inscription qu’elle renfermait :


« Lord Fautleroy à son plus vieil ami, M. Hobbes.
Pensez à moi. »