Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/256

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Le bruit se répandit aussi que le comte de Dorincourt était fort mécontent de la tournure que prenaient les choses ; qu’il ne voulait pas admettre les prétentions de la veuve de Bévis ; qu’il avait l’intention d’avoir recours aux lois et que les choses ne se dénoueraient que devant les tribunaux.

Il n’y avait jamais eu autant de remue-ménage dans le canton où est situé Dorincourt. Les jours de marché, des groupes animés se formaient sur la place, et on agitait la question relative aux deux prétendants. Les femmes des fermiers s’invitaient à prendre le thé ensemble, afin de se communiquer l’une à l’autre ce qui leur était venu aux oreilles sur ce sujet, de se confier ce qu’elles pensaient, et de se dire ce qu’elles pensaient que les autres pensaient. Elles se racontaient mutuellement les anecdotes qui couraient dans le pays : sur la colère du comte et sur sa détermination de ne pas reconnaître le nouveau lord Fautleroy ; sur la haine qu’il avait conçue contre sa mère ; mais naturellement c’est miss Diblet qui était le plus au courant, ses relations avec le château lui permettant de connaître une foule de circonstances qui restaient étrangères aux autres ; aussi sa boutique ne désemplissait-elle pas, et sa conversation était-elle plus appréciée que jamais.

« Si vous me demandiez ma façon de penser, mesdames, disait-elle aux clientes réunies dans sa boutique, je dirais que c’est bien fait pour le vieux comte ; le bon Dieu le punira de la manière dont il a traité cette aimable jeune dame, la femme du capitaine, qu’il a séparée de son enfant. En dépit de la dureté et de la sécheresse de son vieux cœur, il est devenu si attaché à ce petit et si orgueilleux de lui, que ce qui arrive l’a