Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/78

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lui apprenaient les termes nautiques, si bien qu’à leur exemple, Cédric émaillait ses discours de « bâbords », de « tribords », de « grelin », de « misaine », etc.

Un vieux matelot nommé Jerry était son préféré. À en juger d’après ses récits, Jerry avait fait deux ou trois mille voyages et avait invariablement fait naufrage chaque fois, dans une île peuplée de cannibales « altérés de sang » ; il avait même été rôti et mangé, en partie du moins, à plusieurs reprises, et scalpé une douzaine de fois.

Scalper quelqu’un, c’est lui enlever la peau du crâne avec la chevelure. C’est ainsi que les sauvages en usent avec leurs prisonniers, et vous devez penser que peu de personnes résistent à une pareille opération.

« C’est sans doute pour cela qu’il est chauve, disait Cédric, en racontant à sa mère les catastrophes dont son ami le marin avait été victime. Quand on a été scalpé plusieurs fois, les cheveux ne peuvent plus repousser. Ceux de Jerry ne sont jamais revenus depuis le jour où le Serpent de feu, le roi des Ac… Accomanches, lui enleva sa chevelure, à l’aide du couteau fait avec le crâne du Loup féroce, un autre chef de ce pays-là. Il dit que ce sont les moments les plus durs qu’il ait jamais eu à passer, et je le crois. Il eut si peur quand le roi brandit son grand sabre, que ses cheveux se dressèrent tout droit sur sa tête, absolument comme les crins d’une brosse. C’est étonnant toutes les aventures que Jerry a eues ! J’aimerais pouvoir en parler avec M. Hobbes ; elles l’intéresseraient beaucoup. Pour ma part, j’ai tort bien sûr, mais si ce n’était pas Jerry qui me raconte toutes ces choses, j’aurais envie