Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/18

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pris en aversion. Malheureuse créature ! je ne puis l’envisager que comme un objet de pitié !

Je n’ai rien à refuser à madame Mirvan ; mais en lui accordant sa demande, j’abrégerai le récit des tristes événemens qui ont précédé la naissance de ma pupille ; ils n’ont rien qui puisse intéresser agréablement un cœur aussi sensible que le sien.

Vous n’ignorez pas, sans doute, madame, que je fus choisi pour gouverneur de M. Evelyn, grand-père de ma jeune pupille ; j’eus l’honneur de l’accompagner dans le cours de ses voyages. À peine de retour en Angleterre, il épousa madame Duval, alors servante de cabaret. Ce mariage fatal fut conclu en dépit des conseils et des instances de tous les amis de M. Evelyn ; moi-même je fus un de ceux qui insistoient le plus pour l’en détourner ; il demeura ferme dans son projet, et peu après il quitta sa patrie pour se fixer en France. La honte, et le repentir l’y suivirent : son cœur étoit peu fait à de tels sentimens. Avec un caractère excellent et une conduite jusqu’alors sans tache, ce jeune homme n’avoit à se reprocher que la foiblesse qui l’empêchoit de résister aux