Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/29

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enfant ingénue, avec trop de beauté pour ne pas être remarquée, a trop de sensibilité pour y être indifférente ; mais sa fortune n’est pas assez considérable pour tenter un homme de façon.

Rappelez-vous, madame, tout ce que sa situation a de cruel : enfant unique d’un riche baronnet, qu’elle n’a jamais vu, dont elle a droit d’avoir le caractère en horreur, elle n’ose pas même prétendre à son nom. Héritière légitime de ses biens, y a-t-il la moindre apparence qu’il la reconnoîtra jamais pour sa fille ? Et, aussi long-temps qu’il persistera à désavouer son mariage avec miss Evelyn, je ne souffrirai point, madame, qu’il lui accorde, par faveur, une partie de ses droits, ce seroit les acheter aux dépens de l’honneur de sa mère.

Quant aux biens de M. Evelyn, madame Duval et sa famille auront grand soin de se les approprier ; je n’en attends rien du tout.

Ainsi, malgré les titres les plus réels, cette enfant délaissée se voit frustrée à la fois de deux riches successions, et ses espérances se trouvent bornées aux faveurs qu’elle attend de l’adoption et de l’amitié. Cependant ses revenus pourront suffire à son bonheur, si elle demeure