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Page:Burney - Evelina T2 1797 Maradan.djvu/154

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courte-paille. Cette idée me parut plate et absurde ; mais j’ai su depuis que les plus fortes gageures se décident actuellement à Londres de la même manière. Quelle pitié ! ne diroit-on pas que les richesses ne sont d’aucune utilité réelle, puisque ceux qui les possèdent en font un usage aussi vil ?

Il nous restoit encore à écouter l’opinion de mylord Orville, et la curiosité avec laquelle on l’attendit, montra le cas qu’on en faisoit. Voici de quelle manière il prononça, à la grande surprise de toute la société : « Il faudroit, dit-il, que le gagnant partageât son butin avec un honnête homme nécessiteux : qu’on en produise un de chaque côté, et le prix retombera à celui qui, au jugement de deux arbitres, aura fait le meilleur choix ».

Cet arrêt ferma la bouche à tout le monde, et je crois qu’il n’y eut personne qui ne fût honteux d’avoir suivi un projet dont l’extravagance étoit manifeste. Pour moi, je fus touchée de la noblesse des sentimens de mylord Orville : son jugement étoit une belle leçon pour les jeunes prodigues qui avoient mis cette gageure sur le tapis.

Il y eut un moment de silence et de