Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
DU BUDDHISME INDIEN.


de Rudrâyaṇa, roi de Rôruka. Un jour que Çâkya se rendait dans un cimetière pour sauver par un miracle le fruit d’une femme que son mari avait fait mourir à l’instigation des Brahmanes, « il se trouvait dans Râdjagrĭha deux jeunes gens, l’un fils de Brahmane, l’autre fils de Kchattriya, qui étaient sortis dehors pour jouer ensemble. Le jeune Kchattriya avait une foi profonde, mais il n’en était pas de même du jeune Brahmane[1]. »

Tous les rois de l’Inde centrale n’étaient cependant pas également favorables à Çâkyamuni, et celui de Râdjagrĭha, Adjâtaçatru, persécuta longtemps le Religieux, et fit tous ses efforts pour le chasser de son royaume, en défendant à ses sujets d’avoir aucun rapport avec lui[2]. Au reste, quoi qu’il en soit des raisons pour lesquelles les Kchattriyas paraissent moins souvent que les Brahmanes dans les Sûtras népâlais, ces livres ne nous en ont pas moins conservé quelques traits propres non-seulement à établir l’existence de la seconde caste, mais à faire connaître quelques-uns de ses préjugés et de ses habitudes.

Les rois, qui sortaient de la caste des Kchattriyas, étaient en possession d’un pouvoir illimité, et il ne paraît pas que leur volonté rencontrât d’autre obstacle que les priviléges des castes. On en voit dont les ministres encourageaient le despotisme par les conseils les plus violents. Le roi de Rôruka[3] avait besoin d’argent ; ses deux premiers ministres lui dirent un jour : « Il en est d’un pays comme de la graine de sésame, qui ne donne pas son huile, à moins qu’on ne la presse, qu’on ne la coupe, qu’on ne la brûle, ou qu’on ne la broie[4]. » Je citerai plus bas, en parlant des luttes de Çâkyamuni contre

    celle de Bimbisâra. J’ai consulté, afin de sortir de cette petite difficulté, les versions tibétaines du Kah-gyur, et elles m’ont paru trancher la question en faveur de l’orthographe de Bimbisâra. Ce nom y est traduit Gzugs-tchansñing-po, « l’essence de l’être qui a un corps. » Ce titre, peu clair en lui-même, fut donné au jeune prince par son père Mahâpadma, en mémoire de ce qu’au moment où l’enfant vint au monde, le corps de la reine sa mère resplendit comme le disque du soleil à son lever. (Hdulva, vol. ka ou I, fol. 5 a.) L’emploi du suffixe tchan après gzugs indique un possessif ; c’est donc Bimbi et non Bimba que les interprètes tibétains ont eu sous les yeux. J’ajoute que l’orthographe de Bimbisâra est celle qu’ont adoptée les Buddhistes du Sud, ainsi qu’on le peut voir dans le Mahâvam̃sa de M. Turnour.

  1. Djyôtichka, dans Divya avad., f. 134 a.
  2. Avadâna çat., f. 36 a.
  3. Je n’ai jusqu’ici trouvé aucun renseignement précis sur la position de cette ville. La légende de Rudrâyaṇa, qui fut converti au Buddhisme par l’influence de Bimbisâra, roi de Râdjagrĭha, nous apprend que Rôruka était à l’orient de cette dernière ville, et qu’elle rivalisait par ses richesses avec la célèbre Pâṭaliputtra, la Palibothra des Grecs, postérieurement à l’invasion d’Alexandre. (Div. avad., f. 306 a.) Elle ne devait pas être fort éloignée de Râdjagrĭha, et c’est probablement dans la partie orientale du Bihar qu’il faudrait la chercher ; mais je ne trouve aujourd’hui sur nos cartes que Row dont le nom offre quelque analogie avec celui de Rôruka. Je n’ai d’ailleurs aucun renseignement sur cette localité.
  4. Rudrâyaṇa, dans Divya avad., f. 315 a.