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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


recueil intitulé Avadâna çâtaka, auquel j’ai déjà fait plusieurs emprunts, se compose exclusivement de légendes, rédigées d’après un modèle unique, et dont l’objet est de promettre la dignité de Buddha parfaitement accompli à des hommes qui n’avaient témoigné à Çâkya que les respects les plus vulgaires. J’en vais citer une qui suffira pour faire juger des autres.

Le bienheureux Buddha était l’objet des respects, des hommages, des adorations et du culte des rois, des ministres des rois, des hommes riches, des habitants des villes, des chefs de métiers, des chefs de marchands, des Dêvas, des Nâgas, des Yakchas, des Asuras, des Garuḍas, des Gandharvas, des Kinnaras et des Mahôragas. Honoré par les Dêvas et par les autres êtres qui viennent d’être énumérés, le bienheureux Buddha, plein de sagesse, doué de grandes vertus, qui recevait le vêtement religieux, le vase aux aumônes, le lit, le siége, les médicaments destinés aux malades et les autres choses nécessaires à la vie, et qui devait désormais instruire d’une manière parfaite les hommes et les Dêvas, lesquels, profitant de l’apparition récente du Buddha, saisissaient l’occasion de boire l’essence des commandements ; le bienheureux, dis-je, se trouvait avec l’Assemblée de ses Auditeurs à Çrâvastî, à Djêtavana, dans le jardin d’Anâtha piṇḍika. Au temps où Bhagavat n’avait pas encore paru dans le monde, le roi Prasênadjit honorait les Dêvas, en leur offrant des fleurs, de l’encens, des guirlandes, des parfums et des substances onctueuses. Mais quand Bhagavat eut paru dans le monde, le roi Prasênadjit, converti par la prédication du Sûtra intitulé Dahara sûtra[1], eut foi dans l’enseignement de Bhagavat. Alors, le cœur plein de joie et de contentement, ayant abordé trois fois Bhagavat, il l’honora en lui offrant des lampes, de l’encens, des parfums, des guirlandes et des substances onctueuses.

Or, il arriva un jour que le jardinier de l’ermitage ayant pris un lotus qui venait de s’ouvrir, entra dans Çrâvastî pour le porter au roi Prasênadjit. Un homme qui suivait les opinions des Tîrthikas l’aperçut, et lui dit : Holà ! ce lotus est-il à vendre ? Oui, répondit le jardinier. Cette réponse inspira au passant le désir de l’acheter ; mais en ce moment survint dans cet endroit Anâtha piṇḍika, le maître de maison, qui offrit pour le lotus le double du prix qui en était demandé. Les deux acheteurs se mirent à enchérir l’un sur l’autre, tellement qu’enfin ils allèrent jusqu’à cent mille pièces. Alors le jardinier fit cette réflexion : Le maître de maison Anâtha piṇḍika n’est pas un homme léger ; c’est un personnage grave : il faut qu’il y ait ici un motif [pour qu’il insiste

  1. Le terme de Dahara sûtra, que j’ai cru nécessaire de conserver, paraît signifier « le Sûtra de l’enfant ; » ne serait-ce pas une faute pour Dahra sûtra, « le Sutra de l’incendie ? » Voy. les additions, à la fin du volume.